Parfois, être un Dieu n'était pas une position très enviable... Enfin, peut-être n'était-ce que pour Héphaïstos. Le grec essuya d'un geste rageur le sang qui coulait sur sa joue... Comme il haïssait ce père qu'il n'avait pas demandé ! Zeus ne voulait pas de lui, et ça tombait bien : lui non plus !
Bien sur, quoi qu'il puisse faire, il faisait toujours mal, il était toujours un raté, un boiteux, indigne d'avoir pour parents les rois de l'olympe. Le possesseur du tonnerre était pourtant bien content lorsque le forgeron lui concevait des armes dignes de sa grandeur... Mais il ne pouvait supporter la vue de son rejeton dans l'enceinte de son palais, il ne pouvait pardonner le moindre écart de conduite.
Héphaïstos se laissa glisser contre les pierres de la porte d'Achéron. La solitude lui ferait le plus grand bien, après avoir subit les injures et les coups des sbires du tout puissant Zeus, pour lui avoir emprunté maladroitement son sceptre, et lui avoir rendu avec le même tact. Malgré ses nouvelles capacités, découvertes sous peu, le forgeron ne s'était pas défendu. A quoi bon ?
Il ne cherchait plus désormais à se faire bien voir aux yeux de ceux qui le méprisaient. Qu'ils le considèrent donc comme un voleur bon à rien. Sa femme ne voyait pas mieux en lui.
Mais au fond, Héphaïstos savait qui il était, et sa valeur n'était pas à prouver.
Il fabriquait dans le feu de son âtre des pièces inégalables de beauté et d'efficacité, et il pouvait se regarder dans un miroir la conscience tranquille, appréciant juste avec amertume le peu de beauté que la nature lui avait accordé. Certes, un seul regard ne suffisait pas à prendre en compte l'étendue de son pouvoir. Mais même de cela, il apprenait à être fier, car son corps trahissait seulement les vestiges de ses précédents sacrifices, et aucun n'était honteux.
Il ferma les yeux, soupirant. Sa vie ne serait donc qu'une succession de batailles sans surprises, dont il sortirait toujours perdant ?
- Qui va là ? Demanda-t-il soudain, d'une voix grave et menaçante, en entendant un bruissement non loin de lui.
Il n'avait pas la force de se redresser pour l'instant. Son énergie était toute passée à résister aux frappes punitives de ses bourreaux, et à serrer les dents. Il ne lui avait pas offert le plaisir de tenter de se justifier, quand Zeus l'avait trouvé dans ses appartements, ni même de crier quand il avait ordonné à sa garde de le ruer de coups.
Il fit de son mieux néanmoins pour maintenir une certaine prestance malgré ses blessures, sachant bien qu'il ne tolèrerait pas plus la pitié que les moqueries sur son état.