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 Bon sang ne peut mentir | Thaïs

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Sif
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MessageSujet: Bon sang ne peut mentir | Thaïs   Bon sang ne peut mentir | Thaïs Icon_minitimeSam 20 Juil - 15:52

Bon sang ne peut mentir | Thaïs Sif_by10 Bon sang ne peut mentir | Thaïs Thais_10
Sif & Thaïs
« Les héritages c'est comme les chromosomes, ça se choisit pas. »
- Jean Forest




Les Grecs, meilleurs nageurs que les Scandinaves ? Quelle plaisanterie, vraiment ! Sif en souriait encore en passant l'entrée du parc cachant aux yeux des néophytes la plage de Paros. Cette paisible lagune à l'accès presque invisible avait une nouvelle fois encore été le théâtre de son amical affrontement avec Poséidon, Dieu des Océans, et de surcroît excellent athlète une fois dans l'eau, enfin... Au moins aussi bon que Sif. Qui, avouons-le, était quand même légèrement meilleure. Ah, ces longues heures d'exercice, animée par une franche camaraderie, ainsi qu'une saine compétition avaient vraiment le chic pour regonfler à bloc ses batteries : tous deux reconnaissaient sans peine les qualités sportives de l'autre, mais faisaient montre d'une mauvaise foi particulièrement coriace -et donc foncièrement comique- quant à qui, au final, remportait leurs courses. Leur bonne condition physique ainsi que leur envie de victoire rendaient le verdict la plupart du temps difficile à établir. Il fallait dire que quel que soit le panthéon, les vertus de l'exercice avaient été élevées au rang d'art, les divinités devant donner l'exemple aux mortels à la constitution bien moins robuste que la leur. Ah, combien de braves pas très futés avaient tenté de copier leurs exploits pour échouer lamentablement ! ç'avait été une des formes d' "amour vache" entre les Immortels -ou considérés comme tels-, et leurs fidèles, quoi que Sif n'ai jamais réellement apprécié espionner du haut du Palais d'Odin les peuples du Nord se lancer à corps perdu dans des prouesses perdues d'avance. Les voir se blesser ou pire, même stupidement, n'avait pas grand chose de drôle, à son humble avis... Quoi qu'il en soit, sur Néméïl, la compétition se tenait à présent entre Dieux, et uniquement entre eux, faute d'autres participants. Alors certes, parfois, cela virait au duel gorgé de testostérone où ces messieurs flirtaient dangereusement avec la rixe bel et bien déclarée, mais bon, globalement, ça restait quand même très bon enfant.

Depuis toujours, Sif se mesurait régulièrement à ses amis, notamment Thor depuis... Depuis toujours, en fait, sans oublier les autres enfants d'Ases ayant les moyens et le temps de s'adonner aux exercices et autres entraînements concoctés par les meilleurs maîtres d'armes du Royaume. Régulièrement, de petits tournois avaient été organisés entre les élèves, et presque à chaque fois, la brunette s'y était illustrée, n'accordant que peu de pitié à ses camarades. Il lui arrivait de gagner, comme vous l'imaginez, assez souvent, et au final ne trouvait de véritable résistance de façon permanente que chez Thor. Entre eux aussi, cette charmante malhonnêteté s'était installée, le Dieu assurant que si la demoiselle remportait la compétition, c'était bien parce qu'il la laissait sciemment le faire. Et le jeu commençait ainsi, avant de glisser vers la chamaillerie taquine, et ce même en vieillissant, ces facéties de gamins leur étaient restées. Même si, avec Néméïl et les soucis l'accompagnant, ces joyeux moments avaient été un peu mis de côté pour un temps, tant les questions relatives à Asgard devenaient prépondérantes... Concourir contre Poséidon en personne et, en fin de compte, retrouver cette ambiance d'antan lui permettait de respirer un peu, avant d'endosser de nouveau son armure de partisante de la paix, exploratrice de l'île et chercheuse de moyen de s'en aller, autant de rôles parfois pesants.

Son pas allègre témoignait de cette bonne humeur recouvrée, tandis que ses cheveux ramenés en queue de cheval, et encore humides, se balançaient sur sa nuque, seule trace de l'activité ayant occupé les dernières heures de son existence. Ah, vivement leur prochain rendez-vous ! Se dépenser sans compter, pour ensuite bavarder au bord de l'eau, voilà qui avait de quoi constituer un programme attrayant, surtout lorsque les températures s'amusaient à grimper. En tant qu'animorphe capable de devenir cygne, Sif avait un rapport privilégié à l'élément liquide, chose que le Grec comprenait parfaitement, en tant que seigneur des mers. Peu de Scandinaves en effet possédaient un pouvoir en rapport avec l'eau, du moins à la connaissance de la jeune femme... Bien qu'il n'y ait pas que de la glace en Asgard, loin de là. Le Prince des Océans lui avait d'ailleurs assuré que leur prochaine "confrontation" serait pour bientôt, avant que tous deux ne se séparent sur un dernier signe de la main dans le parc de Paros ; une nouvelle occasion de défendre les couleurs de sa mythologie, tout en profitant de cette belle amitié née d'un cataclysme, telle la première fleur poussant sur les cendres encore tièdes d'une éruption volcanique.

ça paraissait donc être un bon moment s'étirant en longueur, vraiment bon, pour ne pas dire excellent, ce qui aurait sans doute porté malheur. Le mieux, avec ce genre de journée ensoleillée où tout paraissait aller correctement, c'était encore de laisser filer le temps, en savourant humblement chaque seconde, afin que rien ne vienne troubler cet élan positif. Tout se troublait si vite, si vous saviez... Tient, tenez, par exemple, en l'espace d'une seconde, le temps de croiser une personne, une femme au visage si familier. Ces yeux bruns à la teinte chaude de merisier. Cette forme de visage, et ces cheveux. Sur le coup, cela fit presque un choc à la Scandinave, qui continua pourtant d'avancer sur la rue de l'Elysée, pour encore quelques pas, quelques secondes de concertation avec elle-même. Nom d'un chien... Sif n'aurait peut-être pas noté la ressemblance avec autant de précision, mais elle venait de quitter l'être à qui cette inconnue lui faisait tant penser, si bien que le souvenir plus que frais ne laissait planer que peu de doute. Pourtant, Poséidon ne lui avait jamais vraiment parlé de sa famille, ni encore dit que des membres de celle-ci avaient eux aussi atterri sur Néméïl. Alors quoi, cette fille et lui partageaient des points communs physiques frappants par enchantement, par pur hasard ? Fronçant les sourcils comme si elle avait tenu une conversation avec un véritable vis-à-vis, et pas simplement sa conscience, Sif admit qu'il y avait anguille sous roche.

Alors oui, à cet instant, elle aurait pu passer outre. Se dire que cela n'était pas si grave, ou que si au contraire ça avait de l'importance, cela ne la regardait de toute façon pas. Poséidon était son ami, se montrer indiscrète envers sa vie privée aurait été un faux-pas regrettable. Tout cela, la belle en avait pleinement conscience... Sauf que sa curiosité ne l'entendait pas de cette oreille. Aller, quoi, arrêter cette fille et simplement apprendre son nom, cela ne gênerait personne.

Cédant finalement à l'appel de toutes ces questions sans réponses, Sif fit prestement demi-tour, espérant en pas avoir perdu la mystérieuse brune , le temps de se décider. Heureusement, celle-ci s'était arrêtée non loin de là, cherchant peut-être sa route. Et maintenant ? Oh, rien qu'à sa façon de se tenir, elle lui rappelait vaguement Poséidon, qui avait toujours le dos droit, et paraissait prêt à explorer le monde sans frémir.

-Excusez-moi, vous...?

Comme entrée en matière, il y avait mieux, vraiment mieux. Et potentiellement moins effrayant aussi, parce qu'une inconnue vous abordant comme ça, ça n'avait rien d'immensément rassurant, quoi que Sif n'eut nullement l'air hostile, juste un brin interloquée. Le talent de manier les mots avec panache, une science encore occulte pour la guerrière...








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MessageSujet: Re: Bon sang ne peut mentir | Thaïs   Bon sang ne peut mentir | Thaïs Icon_minitimeMer 24 Juil - 12:57



bon sang ne peut mentir

_______________________________________________
PV. Sif



Il y avait là un oiseau. Petit et agile, qui chantait à tue-tête en cette belle journée. Ses pattes étaient agrippées à une branche d'un cerisier verdoyant qui se trouvait dans une rue pavée de blanc. Parfois, il s'envolait sur une branche plus loin, cherchant la moindre petite brindille afin de composer son nid. Mais ce travail de recherche ne gâchait en rien son chant mélodieux. Parce qu'il était libre comme l'air, malgré ses obligations naturelles. Si l'envie lui en disait, il pouvait partir loin, faire une pause sur l'antenne d'un navire confronté aux vagues, avant de rejoindre un continent, auprès de lointains cousins. Quelle belle capacité que d'avoir des ailes vraiment. Des membres capables de vous emmener où bon vous semble, que ce soit par les terres ou par les mers. Thaïs faisait partie de ces gens qui les admirait. Jusqu'à son arrivée sur l'île, elle n'avait jamais vraiment prêté attention à la faune, mais en la respectant comme il se devait. Malgré ses nombreuses rencontres depuis qu'elle s'est réveillée sur Néméil, elle se sentait abominablement seule. Et pas une brise d'air, pas un rayon de soleil, pas même un sourire ne saurait soulager ce mal.

Elle était assise sur un banc de pierre blanche, son visage encore plus neutre que d'habitude, inspirant peut-être une certaine lassitude. Ses yeux suivaient alors ce moineau, qui finit par partir, ayant trouvé une brindille qui devait lui semblait parfaite. Le chant du volatile comblait le calme des environs, et rassurait un peu Thaïs. Mais la voilà seule à nouveau, dans cette ruelle aux couleurs quasi irréelles. Une légère brise venait caresser et envoler quelques mèches de ses cheveux. Poussant un long soupir, elle regardait ailleurs, espérant trouver une occupation, pour faire passer le temps. Même si l'ambiance et la sérénité des quartiers grecs la rassuraient - ce qui la laissait perplexe -, elle ne trouvait pas sa place dans ce monde. Comme un intrus, une personne qui n'aurait jamais du mettre les pieds ici. Elle se sentait tabou. Un petit paradoxe dont elle ne se remettait définitivement pas. C'est vrai ... Elle admettait que l'air que donnait le quartier la rassurait d'un sens, et elle ne savait pas pourquoi. Comme si elle était liée à ce quartier en particulier, sans raison apparente. Oui, les décors étaient somptueux, comme dans les autres quartiers. Mais il y avait ce petit truc qui faisait que. Et de l'autre côté, il y avait toujours ce mal du pays qu'elle ne supportait plus, et l'étrangeté du lieu. Thaïs en eut soudainement assez de se morfondre, et se redressa, scrutant le bâtiment en face d'elle. D'immenses colonnes, et une entrée sans porte, juste soutenue par une grande arche. A travers celle-ci, elle voyait des flambeaux, et une autre issue à l'opposé du bâtiment. Alors elle se levait, voulant voir ce qu'il y avait dedans.

C'était une grande allée de statuts. De divinités ou similaires, supposaient-elles. Des sculptures comme on peut en trouver dans n'importe quel musée célèbre. Elle marchait à pas lent, regardant avec attention chaque statut. Pour certains, elle devinait facilement de qui il s'agissait en voyant les objets ou attributs qu'on lui donnait. Alors elle s'arrêta juste devant une statut, qui tenait en sa main un trident. Face à la sculpture, Thaïs l'observait, tentant de plonger son regard dans ceux d'un bloc de pierre inerte. Elle remémorait alors sa conversation avec Gemma. Même si cette dernière était aussi incertaine que Thaïs concernant l'existence des Dieux, l'adolescente lui avait dit que ses facilités en nage la reliait nécessairement à un Dieu aquatique, un maître des eaux. Elle n'allait pas non plus se mentir sur ses capacités et son amour pour l'élément liquide, mais de là à croire qu'elle avait un Dieu pour père lui semblait la théorie la plus foireuse qui soit. Thaïs ne s'était jamais vraiment souciée du fait qu'elle n'avait pas de père : elle avait grandi avec cette idée, et s'en est bien sortie tout de même.

Peut-être était-ce le fait que tout le monde lui rabâchait que son père était un Dieu ici que l'absence du paternel se faisait ressentir. Thaïs n'avait jamais fait attention à ces sentiments-ci, et depuis son arrivée sur Néméil, ça commençait à la ronger. A cet instant, elle aurait simplement voulu savoir son nom, peut-être une photo de lui, rien que pour prouver qu'elle en avait un, un père bien humain. Plongée dans une mélancolie qui ne lui ressemblait certainement pas, elle se surprit avoir versé quelques larmes. L'Américaine se demandait alors si elle avait eu une enfance normale, finalement, ou si il avait fallu qu'elle soit aussi triste qu'à cet instant. Peut-être que les fantaisies et les histoires de sa mère ont tamponné ce manque, et elle se mit à la remercier intérieurement d'avoir bénéficié d'une enfance aussi merveilleuse. Thaïs reniflait un coup, et essuyait ses larmes, tentant de faire comme si de rien n'était. Elle jeta un dernier regard à la statut de Poséidon avant de reprendre sa route.

Elle sortait alors à l'opposé du bâtiment. Descendant les escaliers, elle prit un chemin, sans avoir idée d'où il pouvait l'emmener. Il y avait deux trois personnes qui marchaient comme elle. Thaïs croisait une autre femme, les  cheveux humides encore au vent. Elle ne fit pas plus attention à elle que ça, mais de voir sa chevelure humide laissait à supposer qu'elle était allée se baigner quelque part. Elle devait donc apprécier l'eau. Une logique pas si recherchée que ça, mais cela faisait penser à Thaïs qu'elle avait peut-être quelques points communs avec les gens de cette île. L'inconnue lui attirait l'attention. Pendant sa marche, perplexe, elle tourna le haut de son corps pour l'observer par l'arrière. Il y avait cette impression ... mais non. Thaïs haussait les épaules, et continuait. Jusqu'à ce qu'elle atterrisse à un croisement, ne sachant où aller.

Une voix l'interpella alors.

Thaïs se tournait à nouveau, son visage passif et neutre, comme elle en avait l'habitude. C'était elle. Celle qu'elle venait de croiser quelques secondes auparavant. La façon dont la jeune femme a été abordée la laissait perplexe. Thaïs restait silencieuse pendant une dizaines de secondes, observant l'inconnue. Il fallait avouer qu'elle ne savait pas vraiment quoi dire. Presque toutes les personnes avec qui elle avait eu l'occasion de parler aujourd'hui prétendaient être des dieux, des créatures ou des élues parmi la population mondiale. Leur discours concordait l'un l'autre, certes, mais Thaïs manquait cruellement de preuve. Le pire, c'était que tout le monde était persuadée qu'elle aussi était "spéciale". Spéciale était un mot qui résonnait un peu trop dans sa tête ces derniers jours. Bien qu'elle n'avait aucune idée de qui pouvait être l'inconnue, elle ne semblait pas mauvaise, ni agressive. Peut-être une certaine gêne quant à la formulation des phrases, mais rien de plus. Et puis, se mettre tout le monde à dos n'était peut-être pas la meilleure des solutions à choisir sur Néméil. Bien que désespérée, Thaïs savait se montrer sociale, en toute occasion, ou presque. Mettant ses mains dans les poches de son pantalon, elle soupira, avec un léger sourire. Puis elle dit, avec un sourire léger. Elle reprenait en quelque sorte la phrase qu'avait commencé son interlocutrice.

"Je... suis .... perdue, je suppose."


Après une pause, elle souriait, gênée, et ajoutait d'un ton un peu lassé, et avec un brin d'humour (elle n'allait pas pleurer non plus... quoique...).

"Ou pour d'autres, je suis quelqu'un d'exceptionnelle, entourée de personnes exceptionnelles qui ont vécu des choses exceptionnelles."


Thaïs eut cette soudaine impression qu'elle semblait dure, asociale et presque agressive. Elle n'aimait pas se sentir comme ça, ce n'était pas son but, loin de là. La jeune femme sentait que c'était un jour où elle pourait presque se faire passer pour une personne bipolaire, ses émotions se décuplant : passer du rire aux larmes, sans raison, ou presque. La fatigue, l'incompréhension, la lassitude, et beaucoup d'autres émotions en étaient la cause, et c'était tout à fait compréhensible. Hésitante d'abord, elle se rattrapait comme elle pouvait, en sortant les mains de ses poches.

"Je suis désolée ... C'est juste que ... Enfin .... On va miser ça plutôt sur la fatigue."


Elle ne se voyait pas déballer toute son histoire à tout bout de champ à la première personne qu'elle croisait dans la rue. Elle ne la connaissait, et n'avait aucune idée de comment elle pourrait réagir, si Thaïs citait les noms qu'il ne fallait pas, par exemple.

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MessageSujet: Re: Bon sang ne peut mentir | Thaïs   Bon sang ne peut mentir | Thaïs Icon_minitimeMar 13 Aoû - 13:10

Se préparer à l'avance. Bon sang, pourquoi Sif ne l'avait pas fait avant d'interpeler un être qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam en plein Quartier Grec. L'impulsivité s'avérait rarement payante, elle le savait pourtant bien ! Ce coup de tête venait tout simplement de la placer dans une situation des plus étranges, où elle devait certainement avoir l'air d'une folle, à ainsi apostropher les passants sans sommation. Cette demoiselle allait soit fuir -et elle aurait raison-, soit d'ores et déjà nourrir de fâcheux a priori concernant, au fond, une personne bien intentionnée ne lui voulant aucun mal. Déjà que la seule manière que la Scandinave avait trouvée pour le moment pour répondre à sa question était un franc "vous ne connaitriez pas par hasard un certain Dieu de l'Océan ?"... Elle aurait dû réfléchir à son propos à l'avance ! Cette impression d'être dans des petits chaussons n'avait vraiment rien d'agréable, surtout pour une guerrière de l'acabit de l'Asyne, si sûre d'elle, et nullement amatrice de moyens détournés. Le prix de sa curiosité, sans doute...

Pour tempérer sa bonne conscience qui commençait déjà à lui affirmer qu'elle n'aurait dû foncer tête baissée, Sif se dit qu'une occasion ne se représentait que rarement deux fois, et qu'à trop gamberger, on finissait par ne rien entreprendre du tout. Du coeur, que diable ! La déesse n'avait rien d'une timorée, bien qu'il soit éminemment plus simple de se lancer à corps perdu dans une bataille rangée que de se tirer d'un écheveau de relations humaines. N'allons tout de même pas croire qu'il était plus simple pour elle de tuer quelqu'un que de lui parler, c'aurait été profondément réducteur... Quoi que. Avec une lame, il y avait rarement d'entre-deux, et c'était soit la victoire, soit la défaite, en un instant fatidique.

Son interlocutrice en tout cas lui avait fait la fleur de ne pas attendre sans un mot qu'elle enchaîne sur une suite dont l'Asgardienne n'avait encore conçu aucun élément. Un court intermède qui lui permit de retrouver contenance, et même d'afficher un discret sourire à la fois poli, et se voulant amical. Courage Sif, respire un bon coup, tu vas y arriver... La réaction de la demoiselle s'avérait assez déconcertante, mais en quoi lui en vouloir ? Au moins elle acceptait de lui adresser la parole, c'était déjà ça. À la déesse à présent de ne pas laisser filer sa chance.

-Oui, c'est un peu ça, répondit la demoiselle en se voulant un brin humoristique, rebondissant sur le thème pour le moins central de leur conversation à venir : le sang hors du commun coulant dans leurs veines. Mais on le vit très bien, contrairement à ce que l'on pourrait croire.

Et pourtant, malgré sa légèreté, la Nordique était sérieuse. Etant issue de la haute noblesse de son monde, elle avait depuis sa naissance entendu les gens autour d'elle l'évoquer avec respect, voire parfois même avec admiration. Les Ases avaient toujours siégé au plus près du trône, fidèles vassaux d'Odin, mais également conseillers, et plus proches courtisans. Plus peut-être que dans les autre mythologies, du fait de la vaste variété de mondes composant leur univers, les différentes races avaient chez eux été classées avec précision, entre les Dieux d'Asgard, les Elfes, et puis les autres créatures, ceux peuplant les contes en tant que monstres, les Géants et autres Loups. Le Bien et le Mal avaient ainsi chacun reçu leurs lots de communautés, dans un équilibre que bien peu avaient remis en cause au fil des siècles. Bon nombre de ses pairs s'étaient de ce fait forgé une haute -voire très haute- opinion d'eux-mêmes, sans même se rappeler pourquoi, à l'origine, leur caste avait été parmi tant d'autre élue pour briller au sein de leur panthéon millénaire. Sif, pour sa part, n'avait jamais développé un ego plus vif que ce qui aurait été acceptable -du moins concernant sa noblesse ; ses talents de bretteuses, c'était une autre histoire-, quoi qu'elle n'oubliât jamais son rang. D'une dame, elle n'avait conservé que quelques manières, celles rendant à ses yeux le respect dû à sa personne fondamental par exemple. Elle n'avait pas besoin de plus : au diable les robes et les courbettes ! À dire vrai, ces oisifs personnages se glorifiant de leur titre sans jamais tenter de l'éclairer par la véritable gloire des batailles obtenaient bien peu de sympathie de sa part. Sif, le parfait dosage du snobisme aristocratique ? Ce ne serait en tout cas par ça qui lui sauverait la mise actuellement.

Reprenant une expression un peu plus sérieuse, quoi que toujours ouverte, la déesse remercia silencieusement la Destinée ayant égarée sa vis-à-vis. Certes, une telle attitude s'avérait un peu cruelle... Mais loin de la guerrière l'idée de se gausser de sa situation, semblable à un mauvais pas. Quelle meilleure façon de se rattraper que de lui proposer son aide ? Intéressée, d'accord, mais une aide tout de même, en un quartier bien fréquenté, quoi que se connaissant également quelques habitants à éviter, comme dans les autres coins de la ville, d'ailleurs. Au moins, avec une acolyte comme Sif, elle ne risquait pas de se faire chercher des noises. En marchant, son guide aurait tout le loisir de trouver un moyen à la fois subtil et correct d'en apprendre plus à son sujet...

-Pour ce qui est d'être perdue... Je peux peut-être vous aider. Je n'habite pas dans cette partie de l'île, mais je m'y repère assez bien, et vous aiguiller devrait être dans mes cordes.

Quel beau second départ ! À présent, la brunette se sentait bien plus à l'aise, contente de pouvoir racheter son envie de savoir le pourquoi du comment par une bonne action. Sa voix, chaleureuse et enjouée, ne donnait-elle pas envie de se fier à elle ? C'était l'éternel dilemme des apparences : aussi avenante puisse-t-elle se montrer, Sif demeurait une passante vêtue à la manière d'un Viking en villégiature dans un de ses ports de légendes enfouis au fond d'un fjord suédois, en des temps immémoriaux dont seul le folklore ainsi que l'imaginaire commun conservaient des traces. Pour une personne comme Thaïs, qui avait vécu toute sa vie au XXIème, avec son lot d'idées reçues et de certitudes bien ancrées, parler aux inconnus constituait déjà une entorse à tout bon règlement personnel se respectant. Alors se fier à un garçon manqué visiblement fan de Vercingétorix...! C'était pourtant inimaginable pour la Nordique, qui s'était peu intéressée aux humains depuis la fin des peuplades leur dédiant des autels : autrefois, répondre à son nom murmuré par le vent avait toujours été un modeste petit plaisir, le temps de se pencher vers la Terre et ceux requérant son aide ; mais avec le temps, ces prières s'étaient tues, sans que la déesse ne remarque réellement leur absence, trop occupée par sa propre existence. Les mortels -ou du moins ceux vivant comme tels- et toute leur modernité, leurs manières et leurs habitudes, voilà bien à quoi la protectrice des Mariages n'avait songé ! Sans en avoir conscience, elle appartenait à un autre temps, celui des légendes, des combattants en armure ainsi que des dames, et comme la fille de Poséidon devrait tôt ou tard accepter l'existence de la mythes et des Dieux, l'Asgardienne n'aurait bientôt d'autre choix que prendre conscience de son retard...

En tout cas, pour le moment, sans honte ni gêne concernant la personne qu'elle était, Sif lui tendait la main, lui proposant une poignée de main franche bien éloignée de tout ce qu'une Asyne se respectant aurait supporté. Au moins, on ne pourrait pas l'accuser de minauder, comme certains insulaires mal intentionnés se plaisaient à le faire, pour mieux préparer leurs coups en douce...

-Je m'appelle Sif, enchantée.

Qui sait, peut-être qu'en serrant sa paume, la magie qui coulait dans ses veines trouverait un écho en celle habitant la jeune femme ? Puisque sur Néméïl ne résidaient que des Dieux ou des Demi-dieux... N'est-ce pas. À par Thrùd, la fille de Thor, Sif n'avait côtoyé que peu d'être nés de l'union d'une créature mythologique et d'un simple humain ; peut-être que cela se sentait-il, inconsciemment ? Que la puissance d'un être pleinement habité par la grandeur de sa race transparaissait malgré lui, plus que chez une Créature, ou quiconque ? Cela ne faisait pas partie des pouvoirs de la Nordique, d'ainsi déceler la part de "divinité" en celles et ceux croisant sa route ; seulement l'instinct aurait pu lui mettre la puce à l'oreille, et comme la guerrière avait déjà suivi cette petite voix intérieure lui intimant de ne pas laisser disparaître cette demoiselle dans la foule de la rue de l'Elysée, l'on pouvait espérer que celui-ci la guide vers les réponses que toutes deux, plus ou moins consciemment, recherchaient.

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