Fichue pleine lune, et l’insomnie qui l’accompagnait chaque mois. Il avait mal géré son agenda, et s’était retrouvé sans rien à faire ce soir. D’habitude, il avait toujours une soirée à organiser, une occasion à célébrer. Mais ce soir, rien, nada, le néant absolu. Même ses habituels camarades de beuveries n’étaient pas disponibles, et il se retrouvait seul avec l’astre plein qui prenait la place du soleil dans le ciel. Les étoiles n’étaient pas encore là, mais elles n’allaient pas tarder à moucheter le ciel laiteux et sans nuage. Il avait cherché pendant plusieurs heures quelque chose à faire, dans la ville, mais non, rien ne l’attirait, bizarrement.

Alors il avait pris son blouson de cuir, posé négligemment sur sa chemise blanche, et avait tracé la route. Il aimait marcher, lui le dieu nomade, avait passé des vies et des vies sur les routes, d’hotel en roulotte, sur des bateaux et de vieux coucous dont on se demandait comment ils pouvaient voler dans le ciel. Ce soir, ce serait ses pieds qui le mèneraient on ne sait où. Qu’importe, quand on a pas de maison, on a pas de couvre feu, ni de compte à rendre à qui que ce soit.

Il avait donc quitté rapidement le quartier grec blanc, traversé le quartier égyptien, avant de s’écarter définitivement de la civilisation en pénétrant le quartier neutre, ses collines, ses vallées, ses vertes étendues qui, à cette heure, seraient surement désertes. Cette région de Néméil était assez populaire chez les jeunes gens l’été, où il n’était pas rare de voir fleurir les feux de joie, les campements ou les réunions informelles, pour profiter du bon air et des grands espaces. Mais ce soir il ne faisait pas encore assez chaud pour attirer les badauds, bien qu’il ne fit pas froid.  Cela dit une fois la nuit tombée vraiment, il ferait surement un peu frais. Mais le dieu n’était pas frileux.

Il poursuivait son errance sans vraiment de but, le nez en l’air, jusqu’à ce qu’au détour d’un chemin, il vit se découper dans le paysage une silhouette frêle, immobile, assise dans l’herbe. Une coupe mi courte, des cheveux clairs, une posture décontractée mais digne, princière. Il ne put s’empêcher de sourire. Tiens, cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas vu cette personne. Cela faisait maintenant deux mois qu’ils étaient tous sur Néméil, et il ne l’avait jamais croisé sur l’île. Il ne savait même pas si elle avait réussi à en réchapper, elle si maline et inatteignable d’habitude… Mais de toute évidence, les humains l’avaient eu, elle aussi.

Il s’approcha d’elle tranquillement, sans se presser. Il savait qu’il n’avait pas à indiquer sa présence : la déesse avait des sens particulièrement aiguisés alors que la nuit tombait, et elle avait du l’entendre, le sentir, et par conséquent deviner qui il était. Et si elle n’avait pas désiré sa présence, elle l’aurait déjà signalé. Alors il pouvait avancer sans crainte.

Une fois à sa hauteur, il resta un instant debout, a fixer le soleil qui finissait de descendre sur l’horizon, avant de se décider à s’asseoir lui aussi, à coté de la déesse lunaire, soufflant doucement de sa voix grave et veloutée :

-Bonsoir Séléné …

SELENE Bonsoir Dionysos, que fais tu ici par cette nuit ? Tu n'es pas à une fête ?

Il avait hoché lentement de la tête de gauche à droite, un peu amusé par cette question somme toute aussi naïve que pleine de bon sens. C’est vrai qu’il n’était pas vraiment à sa place dans cette prairie calme et paisible, lui qui ne vivait que dans le bruit, la fête … Le mouvement. Ici le seul mouvement, à peine perceptible, était l’ascension de la lune et des étoiles. Pas vraiment spectaculaire, quoi que …

-que fais je ? bonne question, à vrai dire je me promenais, tout simplement. Je n’avais rien de plus important à faire ce soir. Pas de fête, pas de rendez vous, aucune obligation…

Jamais d’obligation. Il se l’interdisait, se le refusait catégoriquement. La preuve, il n’avait même pas de maison à lui, il vivait dans les hotels, les auberges, voire dehors quand le temps lui permettait. La propriété n’était pas une valeur primordiale à ses yeux. Ce qui en faisait un être voyageur, curieux, évanescent … C’était cette liberté de ton et d’esprit qui lui avait permise d’ailleurs de découvrir la cachette de Séléné il y a plusieurs siècles, au gré de ses errances et voyages… Cependant, fidèle à la demande de la déesse, il n’avait répété à personne l’endroit où elle se trouvait… A l’époque il n’était qu’un dieu exclu de l’Olympe, mêlé aux humains 24 heures sur 24 … Alors il est vrai que parfois, quand sa culture et le passé lui manquait, il allait parler à Séléné, lui tenir un peu compagnie et revenir mélancoliquement sur le temps où les humains ne doutaient pas de leur puissance et de leur existence. Il en profitait d’ailleurs souvent pour demander des nouvelles de ses frères et sœurs, qui ne venaient que très rarement sur terre lui rendre visite… Pour ainsi dire jamais.

-… Mais je crois que j’ai trouvé mon occupation de la soirée … Enfin si tu m’autorises à rester bien sur !

Il avait dit ça avec un petit sourire. Il voyait mal la déesse lui refuser ça. Encore moins avec tout le temps qui s’était écoulé depuis leur dernière rencontre. Il s’étira un peu avant de s’appuyer un peu en arrière sur ses mains, plus confortablement.

-Et toi alors, que fais tu ici ? je t’aurais plutôt imaginé dans un endroit moins … découvert. A l’abri des regards en tout cas …

« tu m’as manqué ». Ah ah, il n’y avait bien qu’elle pour dire ce genre d’ânerie. Mais il fallait avouer que c’était toujours plaisant à entendre. Séléné était une déesse au grand cœur, au très grand cœur, et qui n’hésitait pas à dire ce qu’elle pensait. C’était plutôt rafraichissant, en comparaison avec ses dieux hypocrites et bien pensant.

- Tu m’as manqué aussi. Bien que je n’eus pas vraiment le temps de me poser et d’être nostalgique depuis que je suis arrivé ici…

C’était la réalité, il n’avait pas pour habitude de lui mentir. Il n’avait pas d’intérêt à lui mentir d’ailleurs. Elle était pour ainsi dire un parti pris pour lui, et se rangeait à son avis la majorité du temps. Il se rapprocha d’elle et, assez naturellement, et entoura ses épaules avec son bras. Il faisait frais, et ni l’un ni l’autre n’avait peur du contact physique.

SELENE Tu sais depuis notre arrivée ici... beaucoup de choses ont changés, personne ne sais qui je suis ici, je me préserve un peu comme ça. La seule chose qui n'a pas réellement changé c'est la peur de la pleine lune, généralement les dieux ne sortent pas les soirs de pleine lune, je peux donc me promener tranquillement sans croiser du monde.
Tu as du parler aux autres dieux ? comment sont-ils ?


- Je me doutais bien que tu n’allais pas t’exposer au grand jour. Je n’espérais même pas réussir à te trouver sans me mettre véritablement à ta recherche. Donc c’est plutôt une bonne surprise de te voir ici …

Il sourit légèrement.

- J’ai rencontré pas mal de monde en effet … J’ai revu pas mal de nos collègues grecques… Héphaistos, Athéna, Artémis, Aphrodite… ils sont tous vivants, bien qu’affaiblis… et j’ai rencontré d’autres dieux, d’autres créatures dont nous n’avions que très vaguement parlé… Des égyptiens, des romains, des nordiques… Ils sont .. .différents, et en même temps exactement pareil que nous. Ils se sentent perdus, souvent frustrés. Certains essayent de comprendre pourquoi les humains ont fait cela, d’autres crient à la vengeance. Et moi, j’observe, comme toujours, tu me connais.

Oui, elle le connaissait bien. Très bien même, et lors de leurs nombreuses conversations au clair de lune, il lui avait déjà fait part de sa vision de la vie, des relations entre les dieux, de son dégout de leur statut, de leur vanité. Pour lui, Néméil était une bonne chose, une tres bonne chose même.

SELENE Toi aussi tu à été... démunie de tes pouvoirs ?

Il hocha la tête, tranquillement.

-Oui, et pas qu’un peu. J’ai conservé ma force et ma résistance divine. Il sera donc bien plus difficile de m’éliminer que la plupart des dieux. Je n’en suis pas encore sur, mais il semblerait que nous soyons devenus… Mortels. En tout cas nous pouvons être blessés, fatigués, et notre corps contient du sang alors … je suppose que tout est possible.

Il plongea son regard bleu vert dans le sien.

- Et toi alors, qu’as-tu fait ces deux derniers mois ? as-tu réussi à identifier les pouvoirs que tu as … conservé ?

Il ne put s’empêcher de sourire un peu quand la déesse se blottir contre lui. Son contact n’était pas désagréable, loin de là. Après tout le contact d’une belle personne n’était que très rarement désagréable. Il la savait un petit peu amoureuse de lui. Ça non plus ça ne le dérangeait pas. Après tout, beaucoup d’hommes, de femmes, de créatures avaient succombé à ses charmes à travers les siècles. Mais il était vraiment qu’une tendresse aussi durable et tenace que celle que lui portait Séléné était plutôt rare.
Il resserra un peu son étreinte, réconfortante et protectrice, autour des épaules de la déesse alors qu’elle lui faisait par de l’exposition qu’elle subissait depuis son arrivée sur Néméil. Elle ne l’avait pas bien vécu, à coup sûr, elle qui auparavant avait le choix de ne s’exposer qu’à ceux qu’elle estimait digne de confiance. Maintenant elle était à la portée du regard du premier venu. Elle avait surement beaucoup de mal avec ce changement de situation, malgré qu’elle feigne un ton enjoué et détaché.

SELENE Oh d'accord, ils ne sont peut-être pas une menace alors ? J'avoue que je ne sais pas trop quoi en penser, je pense qu'il serait facile de les haïr mais ils sont dans le même bateau que nous non ? Et cette histoire de vengeance ne m'étonne pas, je sais que cela peut paraître bizarre venant de ma part, mais je ressens de la haine pour les humains, pour avoir fait de moi ce que je suis aujourd'hui... je ne suis plus rien ! Mais au moins toi je te reconnais, Dionysos, mon observateur préféré !

Dionysos sourit poliment. Il comprenait que les dieux puissent être en colère, surtout parmi les plus puissants comme Séléné. Ils avaient l’habitude d’être tout puissant, de pouvoir agir sur toute chose sans contrainte ni conséquence indésirable. Maintenant ils devaient tous être plus prudents, ou au contraire plus audacieux pour continuer la vie qu’ils avaient auparavant. Et peu avaient ce genre de caractère, au final. Derrière l’esbroufe, les braves et les malins n’étaient pas si nombreux. Ne demeuraient que les craintifs et faux prophètes.



SELENE J'ai cru comprendre, je me suis coupé l'autre fois, COUPE ! Du sang a coulé et j'ai eu peur, j'ai donc compris ce qui m'arrivait en plus du reste je devenais humaine... Je suis contente pour toi, au moins tu ne risques pas grand chose, tu a toujours eu une longueur d'avance sur tout le monde de toute façon, quant à moi... je n'ai gardé que mon contrôle sur l'eau et les marées, et mon changement d'apparence lorsque la nuit arrive. Bien sur même si j'ai encore ce pouvoir, il est amoindrit.
Mais il y a une contrepartie... le jour.. Enfin disons que le jour ma vue est très faible, quasiment nul enfaite... Alors pour te répondre ces deux derniers mois je suis restée cachée, essayant de comprendre ce qui m'arrive...
Tu vois je ne suis plus vraiment celle que tu as connue autrefois, et de plus, mon caractère est diffèrent le jour et la nuit ! Super !

- Tu as toujours été différente mon amie, alors tu sais, je m’y adapterais avec le plus grand plaisir, *dit il avec ce sourire, à la fois confiant et enjôleur*. De plus, considère-toi comme privilégiée d’avoir conservé un pouvoir aussi proche de ta nature divine, et aussi puissant ! nous ne sommes pas si nombreux à avoir conservé des dons aussi significatifs… Les enfants des divinités engendrés par des humains n’ont même plus de pouvoirs, c’est pour dire ! plus de Hercule ou de Jason surpuissant, et certaines créatures ont même perdu leur apparence d’origine. Imagine l’horreur que cela peut être de se réveiller dans un corps qui n’est pas le sien … j’ai déjà vu une harpie sans aile, et je ne serais même pas étonnée de croiser un jour une sirène avec deux jambes…

Il espérait vraiment pouvoir la rassurer un petit peu. Après tout, les pouvoirs de la déesse restaient vraiment significatifs, et il s’imaginait sans peine une Séléné très en colère, déversant des flots entiers sur un être, une famille, un peuple… Brrrr, cette perspective le faisait frémir. D’excitation surtout. A présent il savait que, si besoin, il pourrait balayer les inopportuns qu’avec quelques mots doux dans les oreilles de la jolie déesse lunaire. Elle ne lui refuserait pas ça. Elle ne lui refusait rien, de toute façon.
Il rit doucement à la remarque de la jeune femme sur l’aspect « marrant » de sa vie ici. Il hocha la tête, faisant glisser son pouce sur la peau du poignet de Séléné, la caressant doucement.

- Tu me connais bien … Ce serait mentir que de ne pas dire que je m’amuse comme un fou ici. Il y a tant de choses différentes, tant de nouvelles perspectives… Cela fait rêver, non ? J’ai de grands projets pour cet endroit, il y a tant à faire… je vais secouer quelques-uns de nos congénères, et leur rappeler qu’ici, ils ne sont guère moins fragiles qu’un humain lambda. Un peu d’humilité après tout, n’a jamais fait de mal…

Son ton s’était fait plus dur, plus menaçant, presque sec même, alors que son regard se perdait dans le vague de l’horizon devant eux, et dans le futur qu’il créait à l’intérieur de son esprit tordu. Il ne se voyait pas en roi, ou en être tout puissant sur l’île. Ce genre de statut ne l’intéressait pas, et surtout, il ferait un très mauvais dictateur. Il était bien trop instable lui-même pour diriger d’autres personnes sur le long terme. Non, ce qu’il visualisait, c’était du Chaos. Des drames guerriers se jouxtant à des fêtes bacchanales, des buchers se superposant aux feux de joie. Oh oui, des amants dans des clans opposés s’enfuyant sous la lune, des empoisonnements durant les banquets d’alliance, des bordels où les putains seraient des espionnes en puissance. Qu’est ce que ce serait drôle, intéressant, enfin ! Là au moins il y aurait à faire, et les Vrais héros se démarqueraient de ceux dont l’Exception ne venait que de leur naissance. Aux Vrais peut être, il accepterait d’obéir. Au moins un temps.

Il resta dans ses pensées quelques minutes, immobiles, avant de se tirer lui-même, à regret, de ses doux projets, pour se concentrer sur sa compagne nocturne. La nuit était à présent tombée, et il retrouvait Séléné telle qu’il l’avait toujours connu, et apprécié. Il ôta son bras de ses épaules, et se souleva pour se décaler un petit peu, et s’asseoir derrière la déesse, les jambes de chaque coté de cette dernière. Ainsi, elle pouvait poser son dos plus confortablement contre le torse de dieu, qui la serrait à présent plus étroitement dans ses bras, lui soufflant d’un air presque tendre.

- De toute façon, tu n’as rien à craindre vraiment tant que je suis là. Si un jour il t’arrive des ennuis, tu sais où me trouver, et je saurais où tu te caches. J’ai déjà quelques alliés ici, des créatures, des humains, ou des dieux, qui me sont au mieux dévoués et fidèles, et au pire qui ont une dette envers moi. Certains ont des capacités tout à fait … surprenantes. Et je ne laisserais personne te faire souffrir. Après tout, nous formons une fine équipe depuis bien longtemps, ce n’est pas maintenant que cela changera …

SELENE J'aurais du sortir un peu plus, j'aurais dû me douter que je ne suis pas la seule à souffrir de cela.

Elle aurait du s’en douter certes, mais il ne pouvait la blamer de ne pas avoir pris le risque de se montrer dans sa période la plus vulnérable, à savoir le jour, juste par curiosité. Maintenant que leur immortalité était remise en jeu, elle ne pouvait plus s’amuser à risquer sa vie inconsidérément. Et il ne se pardonnerait pas de la laisser à découvert sans aucune protection. Alors autant lui servir de messager et d’informateur, le temps que la situation se tasse et se clarifie un peu pour elle.

SELENE Je te reconnais bien là mon ami, toi et tes grands dessins ! mais penses tu seulement que cela soit réalisable, ou du moins comment compte tu t'y prendre ?


Le beau dieu se doutait bien que son amie lui poserait la question. Il n’y avait aucune surprise dans sa voix, elle lui demandait ça avec une sérénité tout à fait caractéristique de la déesse céleste. Dionysos sourit, tranquillement, alors que la jeune femme s’installait plus confortablement contre lui. Dans d’autres circonstances, avec une autre personne, il se serait montré plus évasif, vague concernant ses projets. Il n’avait pas confiance en grand monde, et encore moins parmi les dieux. La mythologie grecque ne faisait pas exception, voire même était la moins bien lotie. Il n’avait pas d’affection pour ses frères et sœurs, aucun respect pour ses oncles et tantes, ni même son père. Ils n’avaient jamais été là pour lui, dans l’immense généralité, et n’était qu’un pseudo dieu pour la plupart d’entre eux. Alors il avait arrêté d’essayer de leur plaire à tout prix. Il prenait ce qu’on laissait à porter de ses doigts, point barre.
Mais avec Séléné, c’était assez différent. Il ne craignait pas d’être très franc avec elle, presque transparent. Elle était une de ses alliées les plus sures et dévouées, dans le bon sens du terme. Ils étaient une sorte d’équipe, un binôme de dieux exclus de l’Olympe depuis la nuit des temps. Il n’y avait pas de faux semblants ou de mesquinerie, ils se connaissaient depuis bien trop longtemps pour ça.

- Figure toi que cette île, en privant les dieux de leur immortalité et en leur ôtant la plupart de leurs pouvoirs, a remis en cause toute la logique de la hiérarchie divine. Après tout, pourquoi les sirènes obéiraient elles à un poséidon ou un neptune ne contrôlant plus les mers ou ne pouvant plus vivre sous l’eau ? pourquoi les harpies resteraient elles les femmes de main de dieux qui ne sont qu’à peine plus puissants qu’elles ? C’est la même chose pour les humains et els demis dieux. Ils ont la possibilité d’être plus divins que les dieux, ils ont bien plus l’habitude de vivre sur Terre que les dieux qui n’ont pas, comme nous, voyager durant leur vie. Et pourtant certains pensent être toujours stupidement supérieurs, plus sages, plus importants que le reste de la population de l’île… Et cela m’insupporte. Ils ressemblent à deux vieux monarques impotents règnant sur un royaume fantôche…. Et je compte remédier à ça.

Il reprit sa respiration, sentant sa machoire se crisper pus que de raison. Il avait toujours honni les hiérarchies divines et l’ordre établi, mais ici, il les trouvait encore plus déplacées et hors contexte. Et il n’était pas le seul à se rendre compte. Il ne serait pas le bois de l’incendie de la révolte, il ne serait que le briquet qui allumerait la mèche. Et il regarderait tout ça bruler comme Néron, avant de s’asseoir dans les cendres et d’observer ce qui se passerait après. Il n’avait pas l’ambition de devenir calife à la place du calife. Il voulait juste voir le changement se produire. Il n’en avait strictement rien à faire que les humains prennent le pouvoir, ou les créatures, ou même que les dieux gagnent au final. Il voulait juste que ça remue, que la prise de conscience se fasse. Peu importait le résultat final, c’était le cheminement qui l’intéressait.
Mais il s’enflammait déjà, et son caractère excessif prenait le dessus sur sa volonté de préparer tout ça méthodiquement. Après tout, il ne ralliait les être qu’il croisait que petit à petit à sa cause, et ne savait pas encore qui le suivrait jusqu’au bout. Aussi bien, il serait seul à la fin. Enfin, seul avec Séléné…

SELENE Cela ne changera jamais Dionysos, tu es le seul... le seul sur qui je puisse compter sur cette île et je suis ravie d'entendre que tu t'es fait des alliés bien que je n'en doutais pas une seule seconde. Quel genre de pouvoirs ont gardé les dieux et créatures ? Tous nos confrères sont-ils ici ?


Le dieu regarda l’eau remonter lentement de son lit, pour venir frôler le bout de ses chaussures, et les mains de la déesse. Il enleva ses chaussures, ses chaussettes, pour laisser le liquide argenté chatouillé ses orteils. Il embrassa doucement la tempe de la déesse à travers ses cheveux qui semblaient changer de couleur. La nuit était à présent belle et bien tombée, et un croissant de lune timide se reflétait dans l’eau claire. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas vu une nature aussi saine, intacte. Les endroits comme cela manquaient sur terre, se faisaient rares. Néméil semblait encore vierge de toute souillure. Il réfléchit un instant avant de lui répondre :

-C’est assez varié. Etrangement, certaines créatures disposent de pouvoirs assez exceptionnels, alors que des dieux se retrouvent bien démunis … Les harpies romaines ont des pouvoirs assez offensifs, comme le contrôle mental… Je connais une nymphe pouvant guérir par apposition des mains… et à l’inverse, Apollon a presque tout perdu …il ne peut, parait il, qu’endormir les gens par sa voix ou un instrument de musique … avoue que c’est par vraiment la même dimension… Sinon, je ne sais pas si tous les dieux sont présents. Je n’ai pas croisé mon cher père par exemple… de même, certaines mythologies ne sont pas présentes… Où sont les Azteques ? les Dieux Chinois ? ont-ils échappé à l’ire humaine, ou sont ils exilés ailleurs sur l’île ? je n’en ai encore aucune idée ….