Le loup et le bâton [Pv: Loki]

Sujet: Le loup et le bâton [Pv: Loki] Lun 6 Mai - 18:37

Thrùd s'affaissa au pied d'un arbre. Elle voyait Sigr passer et repasser, sortant et entrant dans son champs de vision, poursuivant les écureuils comme le dernier des golden-retrivers à la grande exaspération de sa maitresse. Les loups des autres valkyries étaient si graves et si sages, pourquoi le sien ne suivait pas cet exemple? Elle le savait: à l'échelle de son espèce, Sigr était encore très jeune, d'où son agitation permanente.
C'était justement pour ça que Thrùd c'était rendue dans ce parc. Il était trop tard pour sortir du quartier nordique, et l'immense loup était surexité. Malgré sa répugnance à passer du temps près des gens, elle l'avait finalement mené au parc pour qu'il se défoule. Las de poursuivre des rongeurs, Sigr trotta vers elle et lui lécha le visage, puis saisit délicatement l'avant-bras de la valkyrie entre ses machoires pour la pousser à se lever et l'accompagner en promenade.
Thrùd suivit donc sa monture qui courait quelques mètres devant elle sur le sentier, revenant vers elle régulièrement pour se faire gratter les oreilles, ou simplement pour embêter sa maîtresse revêche.
Elle fini par lui lancer une branche grosse comme un arbrisseau, le plus loin qu'elle pu et de toutes ses forces. Le bout de bois vola loin au dessus des buissons grâce à la force colossale de la valkyrie. Le loup se jeta à sa poursuite. Thrùd resta au millieu du chemin à attendre que l'animal lui rapporte le bâton. Elle attendit, attendit, attendit. Sigr ne revenait pas. Elle patienta encore quelques instants en faisant les cents pas, puis fini par se tourner vers les buissons où l'immense bête avait disparu.

"Sigr! Bouge ton derche et ramène toi, sale clebs! J'ai autre chose à faire que t'attendre, ducon!" cria-t-elle.

Thrùd resta immobile près d'une minute, les mains sur les hanches. Son bestiau ne réapparaissait pas. Furieuse, elle fini par sortir du chemin pour le retrouver. Dès qu'elle lui mettait la main dessus, ils rentraient à la maison, tant pis si il était énervé toute la soirée, elle l'enfermerait dans la cour.
La valkyrie entendait des jappements. Sigr n'était pas loin et visiblement il ne trouvait pas d'autre moyens de s'exprimer que ces couinements de chiot ridicules.
Elle poussa un buisson et tomba sur un autre sentier. L'immense loup de la taille d'un petit cheval, portant un bâton énorme dans sa gueule sautillait en couinant pour convaincre la cible de ses attentions de jouer avec lui. C'était un dieu aux cheveux noirs auquel Thrùd ne prêta aucune attention. Elle s'approcha de Sigr et le saisit par le harnais.

"Je te tiens sale bête! On rentre à la maison! En plus tu te débrouille pour emmerder les gens! la valkyrie commença à trainer l'animal vers la sortie du parc et se retourna rapidement vers le dieu. "Désolée, Loki, ce loup est con comme ses pattes."

Il avait pris l'habitude d'aller dans le parc du quartier nordique, ayant trouvé un endroit calme situé à l'écart pour y méditer... ou plutôt pour imaginer des manigances plus retorses les unes que les autres.

Alors qu'il faisait les cent pas, un bout de bois de bonne taille fendit l'air et s'abattit à quelques pas de lui. Il n'eut pas vraiment le temps de comprendre d'où cela pouvait venir qu'un loup presque aussi grand qu'un cheval jaillissait des fourrées, passant à quelques centimètres de lui pour se jeter sur le bâton. La bête était de bonne taille et aurait sûrement fait fuir n'importe quel humain, mais c'était le genre d'animal que l'on croisait communément en Asgaard, qui servaient en même temps de compagnon et de monture aux walkyries.

La bête lui tournait maintenant autour jappant à demi sans lâcher sa proie qu'elle serrait avec force de ses dents puissantes. Il l'ignora superbement, ces sales bestioles n'étant vraiment pas sa tasse de thé. Il l'observe malgré tout, fouillant dans ses souvenirs pour essayer de se rappeler à qui appartenait ce loup hirsute à la fourrure poussiéreuse, sans y parvenir. Ce qui était certain c'est qu'il était bien différent des nobles bêtes habituelles avec lesquels se pavanaient les vierges guerrières dont Odin était si fière. Pour sa part il avait toujours trouvé ces femmes plates et sans saveurs, obnubilées par leur dévotion au père de toute chose, fanatiques dangereuses qu'il préférait éviter.

Ses interrogations furent rapidement résolues lorsque une jeune femme aussi hirsute et poussiéreuse que son animal franchit à son tour le buisson en jurant copieusement.

Thrud, il aurait du s'en douter, aussi stupide et impolie que son père...

"Désolée, Loki, ce loup est con comme ses pattes."

La tentation était vraiment trop forte et il ne put résister, lâchant d'une voix suave et ironique.

"Comme chacun sait, telle bête, telle maîtresse."

Touché... La jeune femme s'était arrêtée d'un coup et le seul fait d'imaginer la colère monter en elle le mit en joie.

"Ou encore, tel père, telle fille, à croire que la connerie est de famille."

Loki mon ami, es tu bien sûr que c'est une bonne idée de la provoquer ainsi ?

Thrùd était fière d'elle. Elle pensait avoir esquivé le vicieux fourbe qu'était Loki et s'en tirait même poliment. Avec un peu de chance, il avait eu une belle frayeur en voyant Sigr et se sentait soulagé qu'elle l'ai rappelé. Hélas, elle n'allait pas s'en tirer comme ça. Loki lui lança une pique qui la fit tressaillir aussi bien que si il lui avait lancé une pierre. La main de la valkyrie se crispa sur le harnais de Sigr. Sans se retourner elle baissa la tête, essayant de garder le contrôle d'elle même. De toute façon, elle n'était armé que de son épée et Loki était un puissant magicien. Elle aurait même hésité à s'attaquer avec lui avec son armure complète et son bouclier. Il ne fallait pas qu'elle oublie qu'elle était privée d'une grande partie de sa puissance.
Thrùd inspira à fond plusieurs fois et s'apprêtait à reprendre sa route quand Loki lança une nouvelle attaque, qu'elle était incapable de laisser passer. Son père était absent, il avait laissé aux valkyries le soin de l'élever sans lui accorder la moindre attention, ne lui communiquant même pas l'identité de sa mère. Un temps elle avait voulu croire qu'il s'agissait de Sif, mais elle c'était fait une raison: elle n'était qu'une des nombreuses bâtardes de Thor.
Thrùd avait toutes les raisons de détester son père, mais il était son modèle et elle ressentait pour lui une profonde fascination mêlé de respect et d'une pointe d'amertume. Elle ne pouvait pas tolérer qu'on l'insulte devant elle. La rage monta en elle, s'enroulant sur elle même pour enfler et enfler en une crise de furie, mais Thrùd la réprima. La fureur guerrière était impressionnante et dévastatrice mais éprouvante et elle en avait fait une il y avait peu face à Perséphone. Sur Midgard, elle était capable d'en faire plusieurs fois par jour, mais hélas, elle en était incapable sur Némeïl. A défaut elle tourna les talons, suivie par Sigr qui lâcha le bâton qui lui donnait l'air d'un bon gros chien pour gronder de façon menacante. Thrùd saisit Loki par le col de la main gauche et fit jouer son épée dans son fourreau.

"Ne t'avise jamais d'insulter mon père devant moi ridicule créature. Tu es si couard que tu te cache derrière la magie et la ruse pour combattre, Thor est mille fois meilleur que toi!"

"Ne t'avise jamais d'insulter mon père devant moi ridicule créature. Tu es si couard que tu te caches derrière la magie et la ruse pour combattre, Thor est mille fois meilleur que toi!"

Cette saleté de gamine avait du cran pour sûr. Mais elle avait aussi peu de cervelles que son père... Tant mieux, les esprits simples étaient les plus aisés à manipuler.

"Souviens toi à qui tu t'adresses Valkyrie !"

Son ton était froid mais calme et son regard était empli de menaces à peine voilées. Ils se jaugèrent quelques instants jusqu'à ce qu'elle décide d'ôter sa main de son col... Ils étaient peut être exilés loin d'Asgaard, mais il n'en restait pas moins prince et supérieur à elle dans la hiérarchie divine.

"Et calme ton loup si tu ne veux pas que je le transforme en chiot !"

A vrai dire il en était incapable, ayant perdu la presque totalité de ses pouvoirs. Mais elle n'était pas censée le savoir et il maîtrisait l'art du mensonge comme nul autre, ayant des millénaires de pratique. Aussi ses paroles paraissaient encore plus sincères que si elles avaient été vraies.

Il rajusta son col froissé, passa machinalement les mains dans ses cheveux pour les rabattre sur l'arrière.

"Je souhaitais juste attirer ton attention. Assez simple, la subtilité ne faisant pas parti de vos points forts dans ta famille."

Il lui sourit largement, en lui adressant cette nouvelle pique, mais ne lui laissa pas le temps de réagir.

"Mais faisons fi des petites phrases et mettons de côté nos inimités si tu veux bien ma nièce."

Il chercha du regard un arbre et s'y adossa.

"Dis moi, j'imagine que tu ne te satisferas pas longtemps de promener ton loup dans un parc comme une vulgaire midgardienne promène gentiment son toutou. Car toi une vakyrie, valeureuse guerrière semant la mort au milieu de ses ennemis, tu risques de bien vite dépérir à tourner en rond en attendant que quelque chose se passe sur cette terre."

Il tentait de faire s'éveiller la fibre guerrière qui sommeillait en chacune des valkyries.

"Mais ne t'inquiète pas, joins toi à moi et tu retrouveras vite la fureur des combats, le cri des mourants, la douce musique du métal s'entrechoquant sur le métal, le goût du sang sur ta lame, tu retrouveras les batailles qui sont ta raison d'être."

Il s'approcha de nouveau d'elle, lui tendant la main.

"Il est temps pour nous ma nièce de prendre ce qui nous revient de droit."

Thrùd se rendit soudain compte de ce qu'elle était en train de faire: elle tenait au col son oncle Loki, fils d'Odin et infiniment plus haut qu'elle dans la hiérarchie. C'était effroyablement stupide. Elle affronta du regard le dieu, puis le lâcha et fit un pas en arrière, le regard buté.

"PAIX, SIGR!" aboya-t-elle à la face de son familier qui grondait toujours, prudemment abrité derrière elle. La valkyrie ne tenait pas à se retrouver avec un vulgaire clébard en lieu et place de sa fidèle monture.

Thrùd écouta Loki parler avec une légère perplexité. Elle n'était pas à l'aise en face de ce dieu qui mettait aussi facilement le doigt sur ses craintes. Elle frissonna quand il lui affirma qu'elle dépérirait. Il avait raison. Elle dépérissait déjà. Personne ne savait avec certitude si elle était immortelle ou juste dotée d'une incroyable longévité. Et si elle mourrait sur ces terres sinistres, sans avoir à nouveau l'occasion de galoper aux cotés de ses sœurs valkyries, sans fouler à nouveau Asgard et Midgard, sans avoir eu un adversaire à sa taille face à elle? Thrùd devint soudain blanche d'angoisse. Elle passa le bras autour de l'encolure de Sigr et s'appuya contre lui pour chercher un peu de réconfort.
Mais l'espoir revint soudain en elle. Loki avait un plan, visiblement. Il s'approcha d'elle et lui tendit la main . Le regard de Thrùd passa du visage du dieu à sa paume tendue vers elle plusieurs fois. Elle passa la main sur sa mâchoire, encore bleuie par le coup de pied de Perséphone. Sous sa langue, elle sentait l'espace laissé par la dent qu'elle avait perdu.
Elle était terriblement intéressée par la proposition de Loki, elle mourrait d'envie de placer sa main dans la sienne. Mais ne trahirait-elle pas son père ainsi? Ne racontaient-on pas des histoires effroyable sur ce dieu et la manière dont il manipulait les gens?

"Que propose-tu?" dit-elle d'une voix tremblante d’excitation.

"Que propose-tu?"

Touché... Ne restait plus maintenant qu'à ferrer définitivement sa proie.

Il avait touché la corde sensible, sentant bien que le manque d'action pèserait vite sur ses compatriotes habitués aux batailles et aux complots au sein des neuf royaumes. La vie sur Néméïl était bien pâle et ennuyeuse en comparaison et lui même ne comptait pas rester inactif longtemps.

Tu as perdu tes pouvoirs...

Affirmation qui se confirma en voyant sa réaction.

Je peux te les rendre.

Il s'approcha d'elle, chuchotant presque comme s'il lui révélait un secret si précieux qu'il ne pouvait tomber dans des oreilles indiscrètes.

En fait, je sais comment retourner sur Asgaard.

Bon, en réalité, il n'en savait strictement rien. Sauf que s'ils étaient arrivés là, il existait un passage, et s'il existait un passage, on pouvait l'emprunter dans l'autre sens. Il suffisait juste de le trouver et accessoirement de comprendre comment l'emprunter. Mais chaque chose en son temps...

Le problème avec un maître des mensonges, c'est qu'il ment avec tellement de sincérité, que ses paroles n'en paraissent que plus vraies que s'il disait la stricte vérité.

Il posa une main sur l'épaule de la jeune femme.

Sauf...

Important le sauf, très important...

... qu'il va nous falloir écarter ceux qui veulent nous empêchent de repartir.

Voilà où il voulait en venir au final. Pourquoi se salir les mains quand quelqu'un peut le faire à votre place !

Et j'ai besoin de toi pour cela, de ton courage et de ta maîtrise des armes.

Une petite dose de flatterie pour bien faire passer le tout...

Il la gratifia d'un sourire chaleureux.

Je sais que je peux avoir confiance en toi.

Ben voyons... Non mais franchement, vous le croiriez vous ?

Loki s'approcha en murmurant. Thrùd frissonna et eu un mouvement de recul réprimé. Sigr eu moins de retenue et recula jusque derrière elle comme un chiot effarouché se cache derrière les pattes de sa mère. La bouche de la valkyrie se tordit dans une grimace de dépit. Cet animal était donc totalement dépourvu de courage ou le faisait-il exprès? Il n'était pas comme ça avant leur arrivée sur Némeïl. Cet endroit lui nuisait autant qu'à elle.
Thrùd reporta à nouveau son attention sur Loki, qui posait à cet instant la main sur son épaule. Malgré son intérêt pour ses paroles, elle avait furieusement envie de se dérober et de s'enfuir dans les taillis. Elle ne savait quoi répondre. Son instinct de guerrière tambourinait aux portes de son esprit, lui hurlant d'accepter cette proposition tout de suite, mais sa loyauté et sa raison lui dictaient de refuser, pour ne pas trahir Thor, pour éviter d'être à la merci de Loki. Thrùd contempla le visage de son oncle, partagée. Allait-elle accepter cette alliance? Elle même ne le savait pas.
Son cœur battait de plus en plus fort à ses oreilles et les yeux bleus du dieux lui paraissaient de plus en plus proche. Au bout de quelques instants, la situation devint insupportable pour elle. D'un coup d'épaule, elle se dégagea de la main de Loki et lui tourna le dos, les mains sur les hanches et la tête baissée. Sigr gronda sur le dieu, pensant probablement qu'il avait blessé sa maîtresse. Celle-çi le retint au moment où il s'apprêtait à mordre. Ses crocs longs comme le majeur d'un homme adulte claquèrent à quelques centimètres du poignet de Loki. Sur l'ordre de Thrùd, il ne se montra plus menaçant, mais il continua à fixer le dieu, assis sur son arrière-train. Elle retrouva son calme et se tourna vers son oncle, une expression fière et sauvage sur le visage qu'elle appelait le masque de la valkyrie. Elle voulait prendre le dessus dans cette discussion et dans le rapport de force qui l'opposait à Loki.

"Je ne peux pas dire oui maintenant. Il est hors-de-question que j'offre mon épée à qui que ce soit sans réfléchir. J'ai déjà juré fidélité à Odin. Je te ferais savoir ma réponse en temps utile. Je considérerais ta proposition avec intérêt." dit-elle d'une voix forte et claire. "Je te salue mon oncle. Sigr, debout on s'en va."

Thrùd enfourcha son loup qui partit au petit trot. Elle ne savait pas si Loki essayerait de la retenir pour avoir sa réponse tout de suite ou si il allait la laisser partir.

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