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 [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire

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Héphaïstos
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeMar 12 Mar - 4:32

    Justement ? Justement quoi ? Héphaïstos fronça les sourcils en fixant la gamine, ne voyant pas du tout où elle voulait en venir : justement, elle aimait qu'on ne l'aime pas ? Etait-elle masochiste ? En tout cas, son comportement ne faisait pas beaucoup de sens, et il ne comprenait pas qu'elle s'accroche ainsi à lui. S'il avait été une fillette - condition extrèmement dure à imaginer - Héphaïstos n'aurait certainement pas voulu de lui-même pour l'aider. Il pensa un instant à une blague des Dieux : qui avait donc eu l'idée saugrenue de lui lancer une mini-romaine dans les pattes ? Celui-là aurait bien besoin de cotoyer un peu plus les muses pour être inspiré.

    Il ne remarqua même pas qu'elle commençait à employer avec lui un ton plus familier, usant de tutoiement. A vrai dire, lui-même ne tenait pas de conversations très soutenues... Il ne tenait pas de conversations tout court, en fait.
    Depuis plusieurs centaines d'années, le grec était resté enfermé dans ses forges, indifférent aux tracas du monde des humains - qu'ils croient ou non en lui, ça ne lui importait pas du tout. C'était pour cette raison qu'il avait été très surpris de se retrouver sur Néméil : il ne l'avait pas cherché, d'aucune manière.

    Elle voulait goûter du sphinx ? Il écarquilla les yeux. Peut-être devrait-il cesser les sarcasmes avec elle, son esprit étant trop jeune pour qu'elle perçoive l'ironie divine ? Une chose était sûre, ils ne mangeraient plus jamais de créatures mythologique, pour la simple et bonne raison qu'elle avait pris forme humaine sur l'île, et qu'ils - enfin, Héphaïstos du moins - n'étaient pas cannibales.

      - Euh, t'as pas encore croisé grand monde ici, j'me trompe ? Se moqua-t-il, avec un ricanement crispé - il n'était pas habitué à rire. Décidément, il y avait encore plus perdu que lui, dans ce bled d'exil. Si tu voyais le Sphinx, t'aurais surement pas envie d'en faire ton repas... C'une façon de parler.


    Non, non, il ne trouvait pas ça touchant - plein de mauvaise foi. Il trouvait ça agaçant, d'être face à un être aussi naïf, voilà. Elle avait tout à apprendre de la vie, clairement, et lui, il en savait un peu trop, un peu trop mal... Il ne voulait pas qu'elle découvre cela avec ses yeux blasés, ses pensées pessimistes, ses rêves brisés.
    Héphaïstos n'était pas non plus égoïste, il souhaitait pour les autres, innocents, un meilleur sort que celui qui avait été le sien - et à ses détracteurs, par contre, de brûler dans les flammes de son feu.

      - Gemma... Répéta-t-il, songeur. C'est bien un nom d'humain ça. Impossible de dire s'il s'agissait d'un compliment, d'un reproche, ou juste d'une constatation.


    Il haussa les épaules, fixant un instant la main qu'elle lui tendait sans réagir - que voulait-elle ? - puis se mit en marche vers le centre ville, histoire d'y dénicher une taverne sympathique, avec son nouveau boulet sur les talons.

      - Tu l'fais exprès ou quoi ? Gronda Héphaïstos, pensant sans doute qu'elle s'amusait de sa désorientation, encore, en lui demandant où ils se dirigeaient. J'connais pas l'quartier, on rentrera là où ça sentira bon, c'tout.


    Il hésita à ajouter "si t'es pas contente tu dégages", mais il se retint. Il n'avait étrangement plus envie qu'elle le prenne au mot, et se vexe.
    Enfin, le plan était limpide pour lui : il la nourrissait, puis la ramenait en bonne santé à son père, histoire de s'en débarrasser... Le seul problème était de savoir si Jupiter en voudrait. Héphaïstos ne savait que trop bien qu'on ne pouvait pas obliger les Dieux à chérir leurs enfants.
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeMar 12 Mar - 10:47

"Je veux bien goûter du sphinx aussi, j'en ai jamais mangé avant. C'est bon ?"

J'étais toujours partante pour de nouvelles aventures culinaires.

"Euh, t'as pas encore croisé grand monde ici, j'me trompe ?"

Je secouai la tête. Non, je n'avais pas croisé grand monde, j'étais là seulement depuis quelques jours. En plus, comme j'étais timide, je n'allais pas forcément vers les autres. Et les dieux ne me voyaient pas, ou alors, quand ils m'apercevaient, je sentais souvent leur regard méprisant. Oui, ils savaient que je n'étais pas déesse, et pourtant, je n'étais pas créature non plus. Une hybride, une demi, franchement, qui s'en souciait ?

"Si tu voyais le Sphinx, t'aurais surement pas envie d'en faire ton repas... C'une façon de parler."

"Aaaaaaaaah...!" fis-je, comprenant qu'il s'agissait d'ironie.

C'est vrai que je n'étais pas forcément au courant des expressions du pays. Il faudrait peut-être que je me renseigne d'ailleurs. Je me disais bien que les Sphinx avaient une conscience, d'après mes souvenirs, Œdipe et l'énigme... Quel est l'être qui marche sur quatre pattes au matin, sur deux à midi et sur trois le soir ? Alors, les manger, ce n'était peut-être pas très correct. Mais j'étais quelqu'un d'ouvert sur les moeurs, et si on était cannibale ici, ce n'était pas un problème, je m'habituerais.

Je ne m'étais pas présentée ! Je tendis ma main, comme les adultes faisaient habituellement (je sentais que faire la bise à la française n'était pas forcément une bonne idée avec Héphaïstos, en plus il devait piquer des joues).

"Au fait, je m'appelle Gemma"

"Gemma..." répéta-t-il, comme s'il méditait sur mon prénom. Je m'attendais au pire concernant ses conclusions patronymiques. J'aimais bien mon prénom, je n'avais pas envie qu'on le descende en flammes. Et, finalement :

"C'est bien un nom d'humain ça."

Ca aurait pu être pire. Je laissai retomber ma main, voyant qu'Héphaïstos ne tenait pas à la serrer. Je ne m'en formalisai pas, ce ne devait pas être l'usage. J'hésitai entre faire une révérence, saluer à l'asiatique - Namasté ! - ou bien me mettre au garde-à-vous. Je n'eus pas le temps de me décider, il était déjà parti. Je le suivis en sautillant. Je voulais demander des millions de choses - marcher avec quelqu'un me donnait toujours cette envie - mais je sentis que ce serait malvenu dès ma première question :

"On va où ?"

"Tu l'fais exprès ou quoi ?"

Euuh. Quoi ?

"J'connais pas l'quartier, on rentrera là où ça sentira bon, c'tout."

Ah bon ? J'étais persuadée qu'on était chez les Grecs. Enfin, pas vraiment, mais tout près. Juste à côté du Neutre. Ou peut-être pas. En fait, je n'avais pas la moindre idée d'où j'étais. Ne va jamais avec des inconnus. Oui, enfin, on ferait une exception pour cette fois. Et puis ce n'était pas vraiment un inconnu.

"Ca me paraît être un bon plan" répondis-je du tac au tac.

Nous continuions notre route, en silence. Pourtant, les questions me brûlaient les lèvres, j'avais tellement de choses à demander ! Es-tu vraiment marié à Aphrodite ? Pourtant, il paraît que c'est une vraie peste. A moins que ce soit Aglaé ? As-tu vraiment essayé d'emprisonner Héra ? T'es-tu vraiment fait jeter de l'Olympe ? J'étais comme une fan de série télévisée qui pouvait avoir des spoilers incroyables, des scoops sur les coulisses ! Le soap opera des dieux !
Et tomber de l'Olympe, ça a fait mal ? Tu as pleuré ? T'es tombé dans les pommes ? Comment tu fais pour forger ? Comme les humains ? Ou pas ? Ca fait combien de temps que tu es marié ? Tu aimes bien les autres dieux ? Les Grecs ? Les autres ? Et moi ? Tu m'aimes bien ? C'est quoi ta couleur préférée ? Tu sais bien chanter ? Que penses-tu de la guerre de Troie ? Quel est ton temple préféré ? Quel âge as-tu en vrai ? Tu ne t'ennuies pas ici ?

Je ne pus résister, et posai la dernière question à laquelle j'avais pensé :

"Dis, tu préfères l'Olympe ou Néméïl ?"

Puis...

"On est bientôt arrivés ?"

J'avais faim, vraiment. Mon estomac gargouilla comme pour confirmer mes propos.
Tu préfères les pizzas ou les pâtes ? Il y a des pizzas sur l'Olympe ? Des pâtes ? Des hamburgers ?
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Héphaïstos
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeSam 16 Mar - 17:32

Un bon plan ? Héphaïstos ne put se retenir de jeter un coup d'oeil surpris à Gemma, éberlué comme si elle venait de lui avouer qu'elle le trouvait magnifique : il avait peine à y croire, et il n'était pas habitué à ce qu'on lui fasse un compliment, de quelque ordre qu'il soit. Après l'avoir observé indécis et perdu, voilà qu'elle pensait qu'il avait des idées non négligeables... C'était un progrès énorme. Un pas en avant qu'Aphrodite n'avait fait qu'en plusieurs centaines d'années, et encore, sans l'officialiser vraiment.
Cette gamine était décidément trop bizarre : le Dieu reconnaissait sans hésitation aux humains des pouvoirs secrets, et il en avait là la preuve, la demoiselle tenant clairement son empathie de son côté mortel. Il admirait secrètement cette habilité, que n'avaient pas ses compères, à oublier, et à pardonner. Lui-même était dégoûté par cette tâche - alors que Gemma s'y pliait avec un enthousiasme désarmant.

    - Grumpf, répondit-il, bourru. Qu'y avait-il d'autre à ajouter ? Il ne savait pas, ne s'étant jamais trouvé dans ce genre de situation. D'ailleurs, il craignait que ce ne soit ironique... Mais si elle le suivait, sa démarche était alors contradictoire : à moins qu'elle ne veuille juste l'embêter ? Héphaïstos fronça les sourcils, songeur, gêné par ces choix multiples. Les relations étaient beaucoup trop compliquées, il comprenait soudain pourquoi il les fuyait. C'ton estomac qui commande tes émotions, faible créature.


Ce n'était pas une insulte, plutôt une boutade, dite avec cette voix rauque qu'il prenait toujours lorsqu'il se forçait à employer un ton badin alors qu'il était embarrassé. Elle semblait en tout cas avoir été plongée par cette balade en pleine méditation, et le forgeron s'en contentait fort bien. Il ne voyait aucun mal à ne pas faire la conversation.
Mais sans étonnement cette fois-ci, il entendit la demi-déesse fendre le silence.

    - Qu'est-ce que ça change ? Grogna-t-il. Dans un cas comme dans l'autre, j'suis toujours entouré des mêmes traitres.


Ce n'était pas tout à fait vrai, mais c'était ainsi qu'il le ressentait. Son existence entière était vouée à le faire expier des fautes qui n'étaient pas les siennes. Qu'il soit la proie de ses parents ou de ses sujets, quelle importance ?
Il ne ressentait que l'ingratitude qui l'accablait, et cet amour ridicul, irrationnel, dont il ne pouvait se débarrasser.

    - J'te retournes pas la question... Ajouta-t-il, toujours maussade, bien que légèrement radouci, en réalité. Il ne lui demanderait pas, parce qu'il savait déjà qu'elle aurait préféré être chez elle... Elle aussi subissait l'injustice née des caprices des puissants. Et puis, il ne voulait pas qu'elle se mette encore à pleurer - toujours cette crainte, qui le poussait à lui jeté de petits coups d'oeil soupçonneux de temps en temps. T'façon c'est inutile comme choix, c'est nul ! S'emporta-t-il soudain, pour la secouer, manquant une fois encore clairement de pédagogie. On est ici, et voilà, faut s'y faire.


Sujet clos. Qu'elle arrête d'être tant... Tant... Attendrissante, avec sa curiosité déplacée. Voilà, ça, ça agaçait Héphaïstos. Ses marteaux n'avaient pas la fâcheuse tendance à le harceler ou à vouloir connaître sa vie : c'était la principale raison pour laquelle il appréciait leur compagnie.

    "On est bientôt arrivés ?"


Le Dieu sentit un lourd désespoir lui tomber sur les épaules. Elle le cherchait. Elle le cherchait, non ? C'était forcément une manigance pour lui faire péter les plombs, perdre son calme... Et recevoir une rétribution qui arrangerait tous le monde sauf lui.

    - MAIS TU LE F... Commença-t-il à hurler, avant de se reprendre. S'il s'agissait d'un piège de sa mère, pour qu'il se brouille avec les divinités romaines, et se retrouve avec la communauté des astres sur le dos, il n'allait pas lui donner la satisfaction de tomber dedans. Il soupira donc, pour reprendre le contrôle de sa colère impulsive, espérant ne pas avoir brusqué et choqué sa petite accompagnatrice, garante de paix. Et bien, tout dépend ce que tu entends par "bientôt" ? Car pour un immortel comme moi, le temps n'avance pas pareil qu'pour les crevables.
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeLun 18 Mar - 20:00

J'avais donc décidé de suivre Héphaïstos pour manger ensemble. Ce serait un moyen de faire connaissance, et cette idée me réjouit.

"Grumpf" fit le dieu. Par bonheur, j'étais très douée en onomatopées, presque une experte dans ce domaine particulier. Cela signifiait, dans son contexte courant, une approbation qui ne veut pas avoir l'air d'en être une. Autrement dit, Héphaïstos était plutôt content, ou, devrais-je dire : ma présence ne le dérangeait pas tant que cela. Puis :

"C'ton estomac qui commande tes émotions, faible créature."

Je n'ajoutai rien, c'était vrai. Je n'en avais même pas honte. Bah quoi ? J'avais toujours été gourmande, c'était probablement le péché capital qui me correspondait le plus. Pas besoin de m'acheter par de l'argent, une boîte de chocolats suffisait largement ; et puis comme je bavarde toujours en mangeant... On pouvait me soutirer toutes les informations que l'on voulait.
Et pour le "faible créature", je n'étais on ne peut plus d'accord, j'avais autant de force qu'une mouche.

Nous marchions donc en silence, j'avais mille choses à demander. Je finis par céder à la tentation de la curiosité (comme quoi, j'étais vraiment une faible créature) :

"Dis, tu préfères l'Olympe ou Néméïl ?"

Le dieu me regarda, et répondis d'un ton bourru, comme tout ce qu'il disait :

"Qu'est-ce que ça change ? Dans un cas comme dans l'autre, j'suis toujours entouré des mêmes traitres."

Ce n'est pas faux. Sauf que là, il y en avait plus, si on ajoutait les Romains, les Scandinaves et les Egyptiens. Mais en même temps, il y avait tout de même des différences.
Et puis zut, c'était pour faire la conversation !

"J'te retourne pas la question..."continua le dieu. C'est vrai que pour moi, c'était tout simplement évident. Vive l'Angleterre ! Même si la campagne pue, même s'il pleut tout le temps, même si le thé est amer, j'étais vraiment anglaise jusqu'au bout des doigts. Une pure britannique. Mais je savais que je m'habituerai à Néméïl, probablement trop vite d'ailleurs. Je n'étais pas quelqu'un de très nostalgique, j'étais bien trop jeune pour penser au passé ! J'étais mal, oui, ma famille me manquait, mais - et c'est horrible à dire ! - un jour ou l'autre, je les oublierai. Je vis dans l'instant, dans le présent, c'est ainsi.

"T'façon c'est inutile comme choix, c'est nul !" s'énerva-t-il d'un coup, sans que je le voie venir. Je baissai la tête, une fois de plus, telle une enfant punie et honteuse. Je ne savais vraiment pas ce que j'avais fait de mal, mais il fallait faire comme avec ma soeur : profil bas et attendre que la tempête passe.

"On est ici, et voilà, faut s'y faire."

Ok, message reçu 5/5. On n'en parle plus.
Finalement, j'aurais dû poser une autre question.

Silence.

Nous continuions de marcher sans parler. Quelques minutes comme cela, puis l'envie de bavarder me reprit. J'étais incapable de me taire (sauf lorsque je pensais intensément, mais je n'avais pas de sujet de réflexion. Ou plutôt, mon sujet de réflexion était juste à côté de moi, et je ne pouvais laisser passer l'occasion de poser mille et une questions).

"On est bientôt arrivés ?"

"MAIS TU LE F..." hurla-t-il.

Je fermai les yeux et me recroquevillai, comme pour me protéger du bruit. C'est qu'il faisait peur dans ses accès de fureur !
Mais cela s'arrêta soudainement, si bien que je tentai un coup d'oeil inquiet, me demandant ce qui avait pu se passer. Eh bien, je ne vis rien, plus de colère ! Oh, c'était rapide cette fois-ci.

"Et bien, tout dépend ce que tu entends par "bientôt" ? Car pour un immortel comme moi, le temps n'avance pas pareil qu'pour les crevables."

Ah, quand même un peu de mauvaise foi, je me disais bien... J'acceptai le terme "crevable" sans rien dire, trop préoccupée par ce qu'il venait de dire.

"C'est-à-dire ? Tu peux dormir pendant des années par exemple ? Et puis t'as quel âge ? Tu t'ennuies pas ?"

Une éternité devant moi. Ce devait être terrible ! Je ne comprenais pas tous ces gens qui rêvent de l'immortalité. Quel ennui ! Il n'y a plus aucun but alors, puisque l'on peut tout faire. Trop de possibilités, je perdrais la tête. Vivre longtemps oui, toujours non.

"J'espère bien que je vais mourir, moi" finis-je par penser tout haut. Au moins, avec une date de péremption, on a des objectifs définis dans un temps imparti. J'étais naturellement paresseuse, et si j'étais immortelle... Je n'imagine même pas à quel point je procrastinerais !

"Tu te souviens quand t'avais mon âge ?" demandai-je. Car avec l'immortalité vient le problème de la mémoire ! Si on oublie tout, au final, on fait toujours la même chose, on réapprend toujours la même chose. Oh, la vie éternelle était bien absurde ! On tournerait en rond, à vrai dire. Comme ceux qui font Alzheimer. Comme les poissons rouges qui découvrent leur bocal à chaque seconde.
Je ne voulais pas être un poisson rouge.
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Héphaïstos
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeMar 19 Mar - 5:39

Pourquoi s'intéressait-elle à sa vie et à ses sentiments ? Héphaïstos n'avait jamais eu un pareil auditoire et il ne savait pas trop si ces questions devaient être écartées ou juste acceptées. La réponse n'était d'ailleurs pas évidente à formuler, ni à comprendre... Gemma s'engagea sur des chemins sinueux, qui les conduiraient surement bien plus loin que leurs pas pressés sur le troittoir.

    - J'en sais rien, j'ai arrêté de compter après 1257 ans, grommela le Dieu, réellement incertain du temps qu'il avait passé à parcourir le monde des humains, plus que l'Olympe. J'ai pas vraiment b'soin de dormir, surtout pas des années. Et puis j'm'occupe, comme tous le monde, j'fais des trucs quoi...


Oui, comme trainer des jours et des jours dans sa forge, à tourner en rond et produire des merveilles de métal, que le monde ne verrait jamais - et n'apprécierait surement pas à leur juste valeur, de toute façon. Et puis se morfondre, dans un mariage raté : ça aussi il le faisait assez régulièrement.
Il fallait bien avouer qu'il avait passé des années et des années à essayer d'arranger les choses, dans succès... Alors, il avait bien le droit à un peu de repos, maintenant - repos qui se traduisait pas un espionnage intensif depuis qu'il était sur Néméil.

    - J'espère que tu vas mourir aussi, approuva-t-il, sur le ton badin de la conversation. Quelle discussion étrange ! Réalisant que son propos était un peu tordu, Héphaïstos s'amusa de cette ambiguité. Le plus tôt sera le mieux : j'ai bien l'impression qu'il n'y a que comme ça que je serais débarrassé de toi !


Disant cela, il posa sur elle, un court instant, un regard contradictoirement bienveillant. Il lui souhaitait réellement de pouvoir partir, quand elle aurait accomplit tout ce que son coeur lui inspirait... Lui, s'il suivait ce dernier, n'était pas prêt à abandonner.
S'il ne pouvait disparaitre avant d'avoir connu un amour réciproque de la part d'Aphrodite, il serait surement le dernier Dieu encore vivant. Et pourtant, c'était la seule chose, l'unique désir qu'il avait. Une ambition impossible, une quête infinie, pour un immortel.
Son affection pour sa femme défiait leur condition de divinité, le temps, la raison, il savait au fond de lui qu'il ne cesserait pas se languir d'elle, dusse-t-il l'attendre encore au-delà de tout espoir.
Tout le faisait toujours revenir à elle, quelles que soient les épreuves, quelles que soient les interrogations curieuses de la fillette... Mais elle ne toucherait néanmoins jamais la vérité.

    "Tu te souviens quand t'avais mon âge ?"

    - T'as quel âge toi, une dizaine d'années ? Ne put-il s'empêcher de persiffler, clairement méprisant. Cette durée était aussi insignifiante pour lui qu'un claquement de doigt... Elle était une Ephémère, elle était née hier et n'avait rien vu, à son échelle. Bien sur que j'm'en souviens.


Il réfléchit quelques instants en silence. Se remémorait-il réellement son adolescence telle qu'elle avait été ? Après avoir été jeté de la montagne d'Héra, il avait été receuilli par des humains... Il avait été heureux, pendant un certain temps : aimé, chéri, protégé.
S'il était laid pour un Dieu, pour un mortel, il était d'une beauté tout à fait appréciable. Sa blessure l'avait certes ennuyé dans les travaux basiques qu'on lui avait vu assignés, mais sa force extraordinaire avait largement compensé. Il avait eu des amis, des amantes, il avait connu les plaisirs simples des êtres sans soucis. Il avait été admiré pour sa générosité, sa compassion, son talent.
Il s'était épanoui, avant d'être rongé par le feu de la vengeance. Avant de poser les yeux sur la plus belle créature qu'il lui avait été donné de voir, avant d'en être totalement consumé.

    - J'parlais pas autant, déclara-t-il, mentant éhontément. Jeune, il avait été un incorrigible bavard, il avait toujours eu un mot d'esprit à donner à son entourage, un conseil, une parole intelligente... Puis il s'était muré dans un silence punitif. Pourquoi tu m'demandes ça ? Ajouta-t-il, d'un soupir méfiant. Elle travaillait pour le service des renseignements ? C'est vrai qu'elle avait eu une réaction bizarre lorsqu'il avait parlé d'Hermès, il l'avait bien vu : elle était surement espionne à son service.


Il avisa plus loin une sorte de taverne et s'y dirigea, accélérant le pas, ne se souciant pas qu'elle puisse le suivre avec difficultés. Si elle était ce qu'il pensait, il pourrait tout aussi bien en profiter.

    - Et toi, alors, qu'est-ce que t'aimes faire, à part harceler les inconnus ? Se moqua-t-il - lui aussi pouvait mener des enquêtes, et il était bien déterminé à en savoir plus sur son compte, désormais... Il pourrait toujours la tromper, lui donner de fausses informations pour être tranquille.
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Mar - 8:59

"C'est-à-dire ? Tu peux dormir pendant des années par exemple ? Et puis t'as quel âge ? Tu t'ennuies pas ?"

"J'en sais rien, j'ai arrêté de compter après 1257 ans."


Je le regardai avec des yeux ébahis. 1257 ans. Au moins. Whaou ! Mais pourquoi arrêter de compter après 1257 ans ? Autant arrêter après un chiffre rond. Alors que là, 1257, ce n'est vraiment pas pratique.
Hé, mais ça voulait dire qu'il avait peut-être connu Charlemagne ? Cristophe Colomb ? Napoléon ? Shakespeare ? Marie Curie ? La chance ! Alors que, de nos jours, il n'y a pas tant de personnes impressionnantes à rencontrer. Peut-être Barack Obama ou le Dalaï Lama. Ou le pape. Eventuellement. Le pire, c'est que si certaines personnes du XXIe deviennent intéressantes post-mortem, ça ne servira à rien de vivre à la même époque qu'eux, au final.

"J'ai pas vraiment b'soin de dormir, surtout pas des années."

Il avait bien de la chance ! J'avais besoin de mes neuf heures de repos par jour, sans quoi j'étais intenable. Le sommeil est une telle perte de temps ! Mais d'un côté, quand on vit des milliers d'années, on est peut-être content de dormir pour laisser passer le temps... Je fis un rapide calcul pour entrevoir le temps passé à dormir pour ces dieux... Alors, un tiers de l'existence... Quelques milliers d'années... Oh my God ! C'était juste énorme !

"Et puis j'm'occupe, comme tout le monde, j'fais des trucs quoi..."

Merci pour la précision, je n'aurai jamais imaginé.
Voyant qu'il ne semblait pas très décidé à poursuivre sur ses occupations divines - dommage, c'était ce qui m'intéressait le plus, je continuai, perdue dans mes pensées :

"J'espère bien que je vais mourir, moi."

"J'espère que tu vas mourir aussi"


Je le regardai, vexée. Hein ? C'était méchant ! Moi, j'avais le droit de bien vouloir mourir pour éviter l'ennui - mais lui ? C'était quand même un adulte, il était censé dire des choses du genre "mais non, la vie réserve bien des surprises, la sagesse qui va t'être accordée te fera apprécier d'autres plaisirs" et autres bêtises du même style.

"Le plus tôt sera le mieux : j'ai bien l'impression qu'il n'y a que comme ça que je serais débarrassé de toi !"

Je souris. Ainsi donc, c'était ironique. J'avais envie de lui faire un câlin - pour bien lui prouver qu'il n'était pas débarrassé de moi, loin de là - mais je me retins ; il ne paraissait pas être très tactile.

"Et tu te souviens quand t'avais mon âge ?"

Maintenant que j'avais commencé avec les questions, il était impossible de m'arrêter. Surtout que, étrangement, Héphaïstos semblait accepter mes indiscrétions. Je comptais bien en profiter pour assouvir ma curiosité.

"T'as quel âge toi, une dizaine d'années ?"

"J'ai quinze ans et trois mois. Pour les jours, je ne suis pas sûre, il n'y a pas de calendrier ici"
répondis-je fièrement et avec dignité. Non mais, une dizaine d'années ! Il me confondait avec une élève de primaire ! Est-ce que j'avais l'air d'une CM1 ?

"Bien sur que j'm'en souviens."

Sa réponse grave me surprit. Vraiment ? Pourtant, à plus de mille ans, je pensais qu'il y aurait eu dégénérescence des neurones, ne serait-ce qu'un début d'Alzheimer. Mais non. Etrange. C'est un dieu, imbécile. Ah oui.

"J'parlais pas autant" dit-il.

Normal, c'était un garçon.

"Pourquoi tu m'demandes ça ?" demanda-t-il alors, plissant les yeux.

"Pour rien !" répondis-je précipitamment. Sa méfiance me gênait, j'étais mal à l'aise – alors que je n'avais rien fait de mal !

Je ne sais même pas s'il avait entendu ma réponse, puisqu'il accéléra pour atteindre une taverne. Je courus comme je pus pour le suivre. Nous ralentîmes en arrivant devant l'auberge, et entrant, il demanda :

"Et toi, alors, qu'est-ce que t'aimes faire, à part harceler les inconnus ?"

"Harceler des gens que je connais !"
répliquai-je avec un sourire angélique. Puis, voyant qu'il ne se contenterait pas de cette simple réponse, je me lançai dans un monologue en m'asseyant à la première table que je voyais :

"Non, sinon, j'aime beaucoup apprendre des nouvelles choses. Surtout l'histoire, mais j'aime bien les sciences aussi. La philosophie, c'est intéressant, mais pas très utile quand même. Tu sais que ça veut dire 'ami de la sagesse' à la base ? Bah oui, suis-je bête, c'est une racine grecque, et tu es grec. J'aimerais bien être historienne des sciences, oui. Si tu veux, un jour, je te raconterai comment ils en sont arrivés à la bombe atomique. Franchement, c'est génial ! On dirait peut-être pas, mais la genèse du nucléaire, c'est tout simplement passionnant. A moins que tu ne la connaisses déjà. J'aime bien aussi la musique. Je suis très classique, surtout en tant qu'instrumentiste. Sinon, au niveau du chant, j'adore le jazz, la liberté d'interprétation que ça peut nous laisser. Et puis l'ambiance, c'est doux. Enfin, doux, pas forcément, mais je me comprends. Le classique, en chant, ça peut se perdre dans des démonstrations vocales techniques et perdre de vue la pureté, la beauté, la simplicité. Alors que le jazz, c'est moins agressif dans le sens où on "crie" moins. Et puis j'aime bien. Le baroque, oui, ça dépend, peut-être plus à la flûte et au clavecin – d'ailleurs, je ne peux jouer du clavecin qu'au conservatoire, c'est vraiment dommage. Il paraît que vous préférez la lyre, vous les Gréco-romains, il faudrait que j'essaie. Que je voie avec Apollon. Ou bien les Muses. Ou Orphée."

Je me tus, et réfléchis. Qui pourrait m'aider au niveau de la musique ? Cela faisait presque quelques semaines (depuis mon arrivée) que je n'avais pas joué, il faudrait que je puisse travailler pour continuer à progresser. Sans quoi, je vais perdre toutes mes capacités. Apollon devait être sur Néméïl, j'avais entendu parler de lui. Orphée et les Muses, j'en doutais. Ou bien voir avec les autres mythologies ? Je serai probablement beaucoup plus déboussolée chez les Egyptiens ou les Scandinaves, je me demande s'ils ont les mêmes instruments. En tout cas, pour trouver une flûte traversière digne de ce nom, c'est fini. J'aurai peut-être une flûte irlandaise ? Pareil pour le piano, j'ai très peu d'espoir. Non, il faudrait que je me mette à la harpe ou la lyre.
Et soudain, une illumination :

"Dis, toi, t'es forgeron ? Tu saurais fabriquer une flûte système Boehm ? Parce que ça m'étonnerait qu'il y ait des flûtes traversières ici, comme ça a été inventé au XIXe. Je composerai une musique pour toi, si tu veux bien." dis-je en souriant.

"Sinon, au pire, c'est pas grave, je me mettrai à la lyre..." continuai-je, redoutant tout de même sa réponse. Je venais de me souvenir qu'il s'agissait d'un dieu, on ne commande leurs productions !

"Bon, et sinon, on mange quoi ? Pas de sphinx alors. Il y a des spaghettis carbo ?"
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeMer 10 Avr - 17:54

Mais que n'avait-il pas fait ? Héphaïstos regretta immédiatement d'avoir ouvert la bouche, quand il perçut le flot de paroles qui allait déborder des lèvres curieuses de la gamine. Il en fut tout abasourdi, lui qui n'avait pas eu de longue conversation depuis quelques années... Là, elle lui faisait largement rattraper tout le retard qu'il avait accumulé, tout en entrainant ses nerfs, pas suffisemment mis à l'épreuve, apparemment, par les jérémiades incessantes de sa femme.
Il en resta un instant perplexe, poursuivant sa marche en essayant de chasser la migraine qu'il sentait pointer... Il n'écouta rien, en vérité, son esprit fermé dès les premiers mots, de crainte d'exploser d'informations inutiles.

    - Hein quoi ? Demanda-t-il en voyant soudain, qu'après dix minutes de monologue - le temps était disproportionné pour un Dieu - elle attendait une réponse de sa part. Surement, déclara finalement Héphaïstos, abdiquant comme il avait pris l'habitude de le faire avec Aphrodite, sachant que certains mots, comme celui-ci, pouvaient s'adapter à toute situation, et être interprêté de manière à satisfaire son interlocuteur, lui offrant un répit.


Il fallait bien développer de tels stratagèmes, face aux attaques sournoises de la gente féminine, qui, quelque soit l'âge ou la nature, avait décidément les mêmes armes pour assomer leurs adversaires masculins. Car bien sur, tout était question de ruse, et de domination.
Héphaïstos ne pouvait presque pas concevoir que deux personnes puissent avoir une discussion visant seulement à se connaître, sans arrière pensées, sans chercher à profiter de l'interlocuteur qui se montrerait le plus faible en matière de rhétorique.
Bien entendu, le forgeron se catégorisait lui même comme relevant de ces dernières victimes.

    - Oui, il faut lire, c'est bien, commenta-t-il en se rappelant des derniers mots de la demoiselle, que son esprit avait bêtement enregistrés, dénués de contexte. Y'a plein de livres biens... Commença même Héphaïstos, avant de laisser ce sujet s'évanouir.


A vrai dire, il ne savait pas quoi ajouter. Il n'avait pas lu depuis des années et des années, et il avait oublié les titres comme les autres de ces ouvrages d'un autre temps, qui n'auraient de toute façon pas plut à l'adolescente.
Héphaïstos ne savait plus comment entretenir une conversation intéressante, et il ne tenait pas à faire l'effort de s'en souvenir. Pourtant, il se rappelait avoir brillé, dans certains débats, pour éblouir sa promise... Qui était toujours restée de marbre, face à ses jeux d'esprit, et ses beaux discours.
Elle avait voulu écraser cette vive intelligence qui le caractérisait, et qui la dérangeait, surement par jalousie : elle avait réussi, car pour elle, Héphaïstos était enclin à se faire passer pour bête aux yeux du reste du monde. Il lui donnait toutes les raisons de le mépriser, devant ses semblables, juste parce qu'il sentait le plaisir qu'elle prenait à l'humilier ainsi, et qu'il ne souhaiter que cela, la satisfaire.

    - C'pas moi qui fait l'menu, grogna le Dieu, lorsque Gemma, de nouveau plus concise, s'enquit de ce qu'ils allaient bien pouvoir manger. Et pourquoi, tonnerre de Zeus, voudrais-tu manger des pâtes carbonisées ?


Drôle de goûts, que ceux des humains, de nos jours. Héphaïstos fronça les sourcils, à la limite de lui proposer de lui faire à manger dans sa forge, pour qu'elle soit sure d'avoir des aliments bien noirs. Mais sa forge était son repère secret, et personne ne pouvait y pénétrer, surtout pas une enfant qui ne tenait pas sa langue.
Et puis il ne faisait pas la cuisine. Officiellement.
Pas question qu'elle le prenne pour un gentil marmiton, qui allait s'amuser à l'engraisser tendrement ! Pour ça, elle n'avait qu'à demander à Déméter. Ou à Bacchus.

Bref, il entra, que les propositions de la taverne plaise ou pas à sa jeune compagne.
Il s'assit à une table, et hêla une serveuse, qui arriva avec un grand sourire ravi pour prendre la commande.

    - La demi-portion d'humaine veut manger, servez-là d'abord, histoire qu'elle ait la bouche pleine rapidement, déclara-t-il très sérieusement, dissimulant sa politesse sous couvert de méchanceté.
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeVen 12 Avr - 17:41

On m'avait lancée sur mes passions, je ne pouvais plus m'arrêter. Et puis, cette illumination, pourquoi pas demander à Héphaïstos de me fabriquer une flûte ? Je suis certaine qu'il saurait faire quelque chose d'aussi fragile et délicat qu'une flûte traversière, malgré son air un peu balourd. C'était d'ailleurs probablement l'une des seules personnes à en être capable sur Néméïl.

"Sinon, au pire, c'est pas grave, je me mettrai à la lyre..."

Héphaïstos sembla soudainement se réveiller (bien que je ne l'aie pas vu s'endormir) :

"Hein quoi ?"

Je fronçai les sourcils. N'avait-il pas écouté ?

"Surement" fit-il finalement. Je souris, ravie. L'idée de pouvoir bientôt souffler dans une flûte me remplissait de joie.

"Merci beaucoup !" fis-je. "L'idéal, ce serait entièrement en or. Sinon juste la tête en or, et le corps en argent, ce serait déjà génial !" précisai-je.

Je me tus, rêvant au magnifique son d'une flûte divine.

"Oui, il faut lire, c'est bien" fit Héphaïstos.

Quoi ? Je fronçai les sourcils et penchai sur la tête sur le côté. J'avais peut-être raison, finalement, même les dieux devenaient un peu gâteux à la longue.

"Y'a plein de livres bien..." continua-t-il.

Ok...
Je regardai le dieu sans savoir où il voulait en venir, un air profondément perplexe sur le visage. Mais apparemment, il ne comptait pas préciser sa pensée. Bon... Hum... Euuuuh...
Parlons d'autre chose.

"Bon, et sinon, on mange quoi ? Pas de sphinx alors. Il y a des spaghettis carbo ?"

"C'pas moi qui fait l'menu. Et pourquoi, tonnerre de Zeus, voudrais-tu manger des pâtes carbonisées ?" grogna Héphaïstos.

Je soupirai, désespérée. J'avais l'impression de parler à mon père, devant tout lui expliquer : "Oui, facebook est un réseau social, c'est pour parler avec des amis. Oui on les voit toute la journée, mais c'est pour rester connecté 24h/24. Mais tu ne peux pas comprendre."
Là, c'était pareil. Il fallait tout leur apprendre à ces vieux. N'importe quoi.

"Roooh, mais t'es bête !" m'exclamai-je. "Carbo, ça veut dire carbonara, c'est comme quand on dit bolo, ça veut dire bolognaise. C'est une sauce avec des pâtes. C'est plus court quoi, ça va plus vite à dire."

Il faut vraiment tout expliquer ici ! Mi-amusée, mi-agacée, je continuai :

"Comme si je voulais goûter des pâtes carbonisées ! C'est pas bon, et c'est cancérigène en plus."

Je secouai la tête devant l'ignorance de ce dieu, et soupirai une fois de plus.
Pendant ce temps, Héphaïstos héla une serveuse :

"La demi-portion d'humaine veut manger, servez-là d'abord, histoire qu'elle ait la bouche pleine rapidement."

"Bonjour" fis-je timidement à la jeune femme, pour compenser le manque de politesse de Monsieur le dieu. "Est-ce que vous auriez des pâtes à la carbonara s'il vous plaît ?" Elle hocha la tête et je poursuivis : "Dans ce cas, ce sera un plat pour moi, merci beaucoup."

La femme prit ensuite la commande d'Héphaïstos, puis retourna dans les cuisines.

Bon, où en étions-nous ? Ah oui, les livres.

"Pour les livres, tu aimes les histoires d'amour ? Ou plutôt des romans réalistes ? Poésie, théâtre ?" demandai-je. Je ne le laissai pas répondre et me ravisai :

"Et puis non, finalement, je n'ai pas envie de parler de livres. Ce n'est pas très drôle... Au fait, merci encore pour la flûte, ça va être génial !" fis-je en souriant.

"Bon... De quoi on parle ? T'as un sujet de discussion ? On va pas juste attendre là, pendant qu'ils préparent, c'est long et ennuyeux..."

Et si on gossipait ? Hihi, cancaner avec un dieu, ça doit être bien plus fun. Mon regard s'illumina, et je m'approchai d'Héphaïstos doucement. Sur le ton des confidences et des secrets, je demandai tout bas, curieuse :

"Pourquoi tu n'aimes pas les autres dieux grecs ? Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?"
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeLun 22 Avr - 19:34

    Bête, lui ? Jamais, humains ou dieux, n'avaient osé l'insulter de la sorte, en pleine face. Bête parce qu'il ne connaissait pas un stupide plat de stupides romains ? Si Gemma ne l'avait pas encore compris, à son visage encore plus renfrogné que quelques minutes auparavant, Héphaïstos lui tenait rigueur de ce qualificatif. Si elle n'avait pas été toute guillerette et surtout si petite, ses poings lui auraient montrés qu'on ne parle pas ainsi au Dieu de la forge.

      - Traite-moi encore de bête, et c'toi qui va finir carbonisée ! Menaça-t-il, très sérieux. C'moi qui ait fait sauter le Vésuve, j'te signales, parce qu'les tiens m'avaient énervés.


    L'anecdote était vraie... Ce qui l'était moins, c'était qu'il fusse encore capable de faire preuve d'un tel pouvoir. Condamné sur cette île, il avait perdu beaucoup de ses dons, et par là même, la once de prestance qu'il lui restait encore.
    Dire qu'il avait provoqué des pleurs et des cris de terreur lorsqu'il avait montré son courroux, autrefois... C'était le bon temps, celui où Aphrodite l'avait presque aimé. Toujours presque, jamais tout à fait, jamais même un peu... Juste presque. Mais il avait été fier, tellement fier, de ce presque, qu'il l'avait célébré dans le feu.

    Il boudait encore, quand la serveuse se tourna vers lui pour prendre sa commande. Il remarqua le regard de la jeune femme, passant de son regard sombre, à ses cheveux broussailleux. Il crut percevoir un frémissement de dégoût, dans ses lèvres qui pourtant s'adressaient à lui avec la politesse adéquate à sa profession.

      - Idem, grogna-t-il, sous prétexte de dire le moins de mots possibles... Au fond, il était assez curieux de goûter à cette sauce qui lui évoquait si bien ce qui faisait son principal loisir. 'Rci.


    Gemma s'était remise à parler, et Héphaïstos hésita à rappeler la jeune serveuse, pour ajouter à son repas quelques bons litres d'alcool, pour l'aider à faire passer l'effervescence de sa compagne. Mais il n'avait pas assez de courage pour rentrer de nouveau en interaction sociale avec une inconnue.
    La gamine lui suffisait. Il soupira, comprenant succintement qu'elle faisait de toute façon les questions et les réponses, et qu'elle ne se rendait même pas compte de l'embarras qu'elle provoquait chez lui. Il jeta quelques coups d'oeil à la ronde, histoire de trouver de l'aide parmi ses bons concitoyens, pour prendre le relai de cette conversation... Mais personne ne semblait disposer à prendre son fardeau, sauf une sorte de vieux débris qui les observait d'un air lubrique - un ancien satyre surement - et il n'aurait pas laissé Gemma entre de telles mains, par acquis de conscience.
    Ainsi, il se retourna vers elle, résigné à subir.

      - T'es bien la seule à pas l'savoir... Ricana le Dieu amèrement, quand elle lui demanda la raison de sa rancune envers sa famille olympienne. Disons qu'ils s'amusent à jouer des petits tours à mes dépens, et qu'j'ai pas l'sens de l'humour.


    La première avait bien sûr été sa mère, en le jetant du haut de son royaume : très drôle avait été le vol, un peu moins la chute, surtout pour lui. Mais surement aurait-il du rire aussi, pour se faire accepter... Prendre la chose légèrement, vivre sans esbrouffes, oublier sa vengeance... Etait-ce ce qu'ils avaient attendu de lui ? Qu'il disparaisse, parce qu'il était jugé trop laid pour trôner à leurs côtés ? Certes, de critères de Dieux, Héphaïstos ne possédait aucune grace, mais il avait cette force, cette aura, qui le rendait néanmoins digne de sa place, et son seul objectif avait toujours été de la réclamer, et de l'obtenir dans le respect du mérite qui était le sien.

      - Même mon mariage n'est qu'une grosse blague, conclut-il. C'lui qui a écrit la Belle et la Bête n'avait rien compris à la vie... Y'a pas d'fin heureuse possible pour ce genre d'histoires.


    Oh, il lisait, finalement.
    Il se rappela soudain que son interlocutrice était une enfant, et il s'en voulut d'avoir évoqué un conte si beau sur un ton si pessimiste... Il avait longtemps voulu y croire, et il se refusait d'être celui qui ôterait l'espoir, pour connaitre la douleur d'être victime de cette désillusion.

      - Enfin, y'a surement des exceptions, j'imagine, se rattrapa-t-il maladroitement. Qui aurait dit qu'on s'retrouverait là à manger des pâtes carboni... Carbona... Carbinata ! S'énerva le forgeron, avant de secouer la main d'un geste impatient. Bref, tout arrive.
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeMar 23 Avr - 7:55

Héphaïstos n'avait pas l'air d'apprécier ma remarque. Il n'explosa pas, mais il se mit à parler tout bas, d'un air menaçant :

"Traite-moi encore de bête, et c'toi qui va finir carbonisée ! C'moi qui ait fait sauter le Vésuve, j'te signale, parce qu'les tiens m'avaient énervé."

Je rougis et baissai la tête. J'aurais préféré qu'il crie. La colère pure est moins impressionnante que la haine froide. Je balbutiai un "Pardon" d'une voix inaudible.
Un ange passa. Héphaïstos semblait encore énervé, et je n'osai pas me remettre à parler. Silence pesant, durant lequel j'eus tout le loisir de repenser à ses paroles. Ainsi donc, il avait fait sauter le Vésuve... Mais comment ? C'est tout de même un sacré volcan ! Mes yeux pétillaient de curiosité, je m'apprêtai à ouvrir la bouche pour demander, mais je renonçai devant l'air renfrogné du dieu. Le repas s'annonçait long...

Une éternité plus tard, une serveuse arriva enfin, libérant ma langue et détendant l'atmosphère. J'eus le plaisir d'entendre un grognement se rapprochant d'un mot de politesse de la part du rustre qui se disait dieu. Finalement, tout n'était peut-être pas perdu ! Cette preuve d'humanité m'encouragea à reprendre la conversation - d'un côté, je ne savais me taire indéfiniment. Je finis par aborder un sujet qui m'intéressait particulièrement :

"Pourquoi tu n'aimes pas les autres dieux grecs ? Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?"

Je fus agréablement surprise de voir qu'Héphaïstos répondit, ce qui n'est tout de même pas rien ! Le dieu n'avait pas l'air très bavard, je pris avidement les quelques mots qu'il me donna :

"T'es bien la seule à pas l'savoir... Disons qu'ils s'amusent à jouer des petits tours à mes dépens, et qu'j'ai pas l'sens de l'humour."

Certes, ce n'était pas une réponse très développée, mais je n'en attendais pas plus. De sa part, je considérais cela comme une confession totale. Je voulais surtout savoir si les légendes étaient vraies. Il semblait que oui.

"Même mon mariage n'est qu'une grosse blague" fit-il.

Je manquai d'avaler un spaghetti de travers. Pardon ? Héphaïstos me parlait-il de sa femme ? Aphrodite ? Ainsi donc, il s'était vraiment marié avec la belle Grecque. Pour une fois, j'étais sans voix.

"C'lui qui a écrit la Belle et la Bête n'avait rien compris à la vie... Y'a pas d'fin heureuse possible pour ce genre d'histoires."

Je grimaçai. Pour qui se prenait-il, lui ? N'était-il pas lui-même issu d'une histoire ? Il était une légende ! Il ne fallait pas généraliser, tout de même. Et puis, c'était de sa faute. Il n'avait qu'à pas demander la main d'Aphrodite. Comme Casimodo qui tombe amoureux d'Esméralda. Comme Emma - une amie du lycée - qui veut sortir avec un sportif. Quand on vise trop haut, ce n'est plus que la chance qui joue. Et Héphaïstos ne semblait pas très chanceux. Le regard du dieu croisa le mien, et il sembla se rendre compte que son raisonnement n'était pas valable.

"Enfin, y'a surement des exceptions, j'imagine. Qui aurait dit qu'on s'retrouverait là à manger des pâtes carboni... Carbona... Carbinata !"

"Carbonara" l'aidai-je doucement, amusée sans pour autant être moqueuse.

"Bref, tout arrive."

Je hochai la tête et souris, rêveuse.

Oui, tout arrive. Quelques semaines auparavant, on m'aurait dit que j'étais en réalité la fille de Jupiter, j'aurais ri aux larmes. Mais maintenant... Maintenant j'y croyais presque. Presque. Tant que je ne l'aurai pas vu, tant que je ne lui aurai pas parlé, je ne pense pas que je pourrais le considérer comme mon père. Et même... Jupiter quoi ! Pourquoi lui ? C'est tout de même un père ingrat ! Pourquoi n'aurais-je pas pu naître de Demeter ? Et pourquoi un Romain ? Il exagère, vraiment.

Est-ce vrai d'ailleurs, tout cela ? Comment serait-ce possible ? Ne serais-je pas plutôt devenue folle ? Je souris en pensant au "test" d'Alice au Pays des merveilles. Des multiplications, des capitales et une poésie à réciter, pour voir si on est dans le corps de quelqu'un d'autre.

3x3 = 9
5x7 = 35
3^4 = 9x9 = 81

Oulan-Bator est la capitale de la Mongolie.
Minsk est la capitale de la Biélorussie.

« Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage

Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.

Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.

La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.

Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.

Pierre de Marbeuf »


Bon, apparemment je suis bien restée Gemma. Et je ne suis pas folle. Enfin, folle selon Lewis Carroll. En tout cas, je ne suis pas dans le Pays des Merveilles - ce que j'aurais pu deviner.

Roh, et puis zut, je m'en fous !

"Tu aimes ?" demandai-je à Héphaïstos, revenant à des questions plus pratiques. Il semblait que c'était la première fois qu'il goûtait ces pâtes.

Il y eut un autre silence. Je repensais à Aphrodite.

"En même temps, pourquoi tu as voulu te marier avec elle ? Pourquoi t'es tombé amoureux d'elle ?" demandai-je en fronçant les sourcils. Je ne comprenais pas. Il suffisait d'un peu de volonté pour l'oublier, non ?

"Mais maintenant c'est trop tard... En tout cas, moi, je ne me marierai pas ! Tu sais qu'un mariage sur deux finit en divorce ?"

Illumination :

"Bah tiens, pourquoi tu ne divorces pas ?"

Puis je pensai aux modalités juridiques :

"Quoique... Il n'y a peut-être pas d'avocat ici pour divorcer... Mais enfin, je veux bien t'aider pour les papiers : j'ai choisi l'option droit au lycée, si tu veux quelqu'un qui s'occupe de la paperasse" proposai-je gentiment, toujours prête à rendre service. Quoi de mieux qu'un divorce à l'amiable pour régler ses problèmes conjugaux une fois pour toutes ?
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeMar 18 Juin - 15:36


Si Gemma était embarrassé par le silence, Héphaïstos, lui ne l'était pas. Il l'était bien plus par le flot de questions de la demoiselle, qui lui montrait ainsi de l'attention... L'habitude lui avait fait préféré le premier sort au deuxième, pourtant plus apprécié du commun des mortels. La solitude divine, pesante, sans fin, était un gouffre dans lequel il s'était muré - dont il apercevait tout juste le ciel, se sentant un peu ébloui, et hésitant par conséquent à poursuivre son ascension. Il avait adoré le soleil, pourtant, autrefois.

    - C'pas mauvais, grogna-t-il pour toute réponse à l'intérêt de la fillette pour le plat qu'elle lui faisait découvrir, jetant un coin un regard à la serveuse qui les épiait, et avait surement attendu cette conclusion. Pour un truc de romains.

Il se remit donc à manger, assez goulument, comme pour appuyer son propos : au moins, il savait faire honneur à la table, à défaut de respecter le personnel et sa compagnie. Il eut cependant du mal à avaler la bouchée qu'il avait dans la bouche, quand Gemma décida de poursuivre la discussion sur le sujet de l'amour. Il haussa les épaules, puis la laissa poursuivre seule son raisonnement, jusqu'à ce qu'elle ait une idée brillante, et espère son approbation, par un grand regard pétillant. Héphaïstos se tordit sur sa chaise, franchement mal à l'aise. Comment expliquer à une gamine, qu'il était illogique, qu'il était faible au point d'avoir l'impression qu'il pourrait disparaitre, sans Aphrodite dans sa vie ?

    - J'peux pas divorcer. J'ai fait une promesse... Soupira le forgeron, en sentant son cœur se serrer à ce souvenir. Et la parole d'un Dieu a plus de valeur que celle d'un stupide humain versatile. Aucune paperasse ne peut remplacer l'honneur !

C'était bien la perception d'un mortel, ça, de croire que les contrats devaient être édités, signés, ancrés dans un fichier informatique ou sur un cahier des charges. Pour les grecs anciens, une déclaration solennelle suffisait amplement. Celui qui la bafouait ne retrouvait jamais son orgueil ainsi perdu. Personne ne l'ignorait.

    - T'es trop p'tite et trop mortelle pour comprendre, assura-t-il avec une sorte de superbe supériorité, d'un ton presque paternaliste.

Il était en quelque sorte content de pouvoir lui enseigner ce genre de principes, qu'elle n'allait pas apprendre dans ses cours de droits. Ils étaient à l'essence même de ce qui différenciait les bons Dieux des mauvais Dieux. C'était son seul atout, pour se gausser d'être encore parmi les premiers, malgré les humiliations. Il avait gardé une certaine morale, il avait compensé par ses erreurs par des leçons, et il était assez fier de n'avoir jamais failli à ses mots.

[Désolée c'est court, mais on approche de la fin je crois ! =)]
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeVen 21 Juin - 20:52

Héphaïstos mangeait les spaghettis de façon assez... Peu appétissante. J'évitais de le regarder pendant qu'il dévorait - qu'il massacrait ! - les pauvres pâtes ; le spectacle n'était vraiment pas beau à voir. Il n'avait manifestement pas compris le concept de l'entortillage autour de la fourchette, avant de mettre dans la bouche avec la cuillère. Non, il y allait sans se prendre la tête, de façon assez barbare et... Répugnante. Je fronçai le nez devant ce manque évident d'éducation, mais ne fit pas de commentaire. Ils n'étaient probablement pas habitués à ce genre de plat sur l'Olympe. Et puis, pour une fois qui ne râlait pas, je n'allais pas lui en donner l'occasion !

Le problème d'Aphrodite continuait à m'intriguer. Comment avait-il pu passer des milliers d'années avec la même personne ? Même si c'est l'âme soeur - et il semblait que ce n'était pas le cas - on finit tôt ou tard par se lasser, non ? Et puis, franchement, Aphrodite... Ils se faisaient tous deux du mal en restant ensemble ! Aphrodite était volage, même moi qui ne m'étais jamais réellement intéressée à la mythologie, je connaissais ses nombreux amants. Ils étaient tellement mal assortis... Oui, se marier avait probablement été une erreur, il fallait qu'ils se séparent pour ne pas la prolonger. Je pensais cela sincèrement : le divorce n'était pas un miracle, mais il leur permettrait de ne pas empirer la situation.

L'argument de l'honneur me laissait perplexe. J'avais juré des centaines de fois d'égorger ma soeur, et pourtant je ne l'avais jamais fait - heureusement d'ailleurs, mes parents n'auraient sans doute pas apprécié. A vrai dire, j'avais promis tout et son contraire dans des moments d'énervement. Je ne comprenais pas. L'honneur, oui, c'était important. Mais il n'avait le choix qu'entre la honte et le malheur le plus profond. Je choisirais sans hésiter la honte. Honte d'avoir trahi un serment, mais apaiser sa souffrance par le temps et la distance... Et pourtant, je sentais intimement que cela ne changerait rien. Héphaïstos était amoureux, oui, amoureux, ce devait être cela. Il était amoureux comme un garçon de quatre ans, ne voulant pas reconnaître ce qui éclatait pourtant aux yeux de tous, niant effrontément ses sentiments. Mais là, je le regarde, et je ne comprends pas comment cela avait pu arriver. Comment il avait pu y croire. Il paraît tellement sauvage, misanthrope, asocial, que sais-je ! Amoureux ? L'amour, ce n'est pas censé être doux ? Le plus pur des sentiments, tellement intense, tellement profond... C'est comme cela que j'imaginais l'amour. Et lui ? J'avais l'impression que rien ne pouvait le toucher. Qu'il était insensible. Qu'il avait tout vu, tout vécu. J'aurais pu faire n'importe quoi - crier, hurler, lui sauter dessus, que sais-je ? - j'étais persuadée qu'il resterait impassible. Peut-être ressentirait-il une certaine gêne, mais des émotions ? Et pourtant, je sentais une certaine forme de détresse. A ce moment précis, je haïssais Aphrodite de toutes les fibres de mon corps. Je la détestais profondément, je la méprisais comme ce n'était pas possible. Comment pouvait-elle se comporter de façon aussi cruelle ? Être la déesse de l'amour, mais ne pas avoir de coeur ! Honte, oui, elle devrait avoir honte ! Héphaïstos n'était pas malveillant, ne le voyait-elle pas ? Comment pouvait-elle être aussi méchante avec lui ? Je pouvais comprendre qu'elle n'était pas amoureuse - après tout, Héphaïstos n'était pas aussi beau que ce qu'elle pouvait espérer, et on ne commande pas à ses sentiments - mais le traiter aussi inhumainement ! Si elle n'avait ne serait-ce qu'une once d'estime pour lui, elle l'aurait laissé partir. Mais jouer comme cela avec Héphaïstos, c'était de la torture ! Le pauvre homme était amoureux, et elle n'avait pas la force de lui arracher le coeur une fois pour toutes, au lieu de le laisser espérer en vain...

Malgré ce que le dieu disait, j'étais petite et mortelle, mais je comprenais. Enfin, en partie. Il ne pouvait pas partir, parce qu'il était a-mou-reux (comme j'avais du mal à imaginer !). Il pouvait prétendre ce qu'il voulait - l'honneur, pourquoi pas ? - il n'en avait pas la force. Et surtout que tout cela était inutile. Il avait attendu des milliers d'années, pourquoi n'attendrait-il pas encore quelques siècles ? Tout cela me donnait mal à la tête. Je me promis que si un jour j'étais amoureuse, mais que le garçon me trompait, je m'en irais. Le problème, c'est que je n'étais pas une Grecque, et que je ne tenais pas mes promesses. Une résolution inutile, une de plus. Je ne m'en formalisai pas. C'était l'intention qui comptait.

"Si tu le dis. Ce n'était qu'une idée, mais si t'es pas content, alors débrouille-toi" fis-je en boudant tout de même un peu, vexée par le ton plutôt que par ses paroles.

"Je voulais rendre service, c'est tout" continuai-je en faisant la moue.

Je comprenais petit à petit que je ne pouvais pas comprendre. C'était tellement au-dessus de moi ! Héphaïstos avait dû avoir retourné le problème dans tous les sens pendant quelques milliers d'années, et, apparemment, il n'avait pas trouvé de solution. Tant pis. J'essayais de lui apporter mon point de vue extérieur, mais je sentais que c'était ridicule. Et pourtant, je ne pouvais pas ne pas essayer.

Nous avions fini de manger. Mon ventre était rempli au maximum, et je n'avais plus assez d'espace pour un dessert.

"On rentre ?" proposai-je alors.

Il n'était pas tard, mais le temps que je retrouve mon chemin jusque chez Vénus... On ne sait jamais !


[HRP : Et on finit là-dessus du coup ? Ca te va ?]
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Héphaïstos
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitimeDim 14 Juil - 5:58

    Si Héphaïtos n'aurait surement pas toléré le ton autoritaire de la demoiselle quelques heures avant, cette fois-ci, il ne s'en formalisa pas. Il lui avait fallu des années pour s'habituer à l'espèce humaine, de loin, et il ne lui avait suffit que d'une balade pour tolérer la présence de cette gamine... Était-ce sa partie divine qui la rendait plus supportable que le reste des mortels ?
    Après tout, quoiqu'en dise Héphaïtos, il avait toujours été humaniste : il n'aimait juste pas les démonstrations trop ostentatoires de ce soutien, et désapprouvait totalement les conduites qui menaient même à se mêler à eux. Pour cela, son père était extrêmement doué, et il avait ainsi engendré des bâtards qui lui apportait bien plus de joie que le forgeron, son fils légitime. Mais qu'importe. Héphaïstos faisait avec, et il savait au fond, que cette pureté dans sa lignée n'avait aucun sens pratique. Il se demandait souvent ce qu'il avait bien pu hériter de ses parents. Pour sûr en tout cas, il ne ressemblait en rien à sa mère.
    Est-ce que Gemma avait pris les traits de ses parents ? Il l'observa un instant en silence, tout comme elle l'observait : en pensant le faire discrètement.

      - Tu crois qu'j'ai fait comment pendant ces millénaires, sans toi ? Grogna-t-il, lorsqu'elle prétendit vouloir lui donner des conseils. Il fit une grimace, en écho à une sensation étrange au creux de son ventre, que provoquait la moue dubitative de la gamine. Se pourrait-il que son engagement le touche ? Il ne comprenait pas, de toute façon, pourquoi elle tenait tant à l'aider. S'tu veux m'rendre service, n'te perds plus.


    Bien sur, on en revenait toujours au même, ELLE s'était perdue, et IL l'avait secouru, dans sa grande bonté d'âme. On ne change pas un caractère de Dieu. Et il s'inquiétait de savoir, également, où elle allait dormir, et si elle s'y sentirait bien. Était-ce une place pour une demoiselle, d'avoir une couche chez l'identité romaine de l'Amour ?
    N'était-ce pas le double d'Aphrodite, si longtemps en compétition et détesté ? Il n'aurait jamais confié d'enfants à Aphrodite... Mais Vénus était réputée pour être différente, plus romantique et moins sexuelle. Héphaïtos soupira à cette pensée. Pourquoi sa femme ne pouvait-elle pas prendre exemple ?
    Et chaque fois la même réponse : il aurait été perturbé qu'elle change, et il se rendait compte qu'il ne l'adorait que comme ça, exactement comme elle était à présent. Non pas parce qu'il adhérait à ses principes, mais juste parce que tout son être, tel quel, le fascinait.

      - J'te raccompagne, conclut-il à la fin de ses réflexions. Croiser Vénus l'intriguait, aussi, malgré lui. Il l'avait entraperçue plusieurs fois à travers les siècles, mais jamais de manière très officielle. Prendre comme excuse le bien de Gemma serait parfait pour la rencontrer, et aviser, réellement, de ses capacités à prendre soin de la demi-romaine. Si cette dernière condition n'était pas remplie, il imaginait déjà d'accepter - sous l'écrasante responsabilité de la situation - de la prendre sous son propre toit. T'en as sur le menton.


    A tant s'occuper de lui et de ses problèmes, la petite n'avait pas fait attention à sa manière de manger, ou elle s'était tout simplement calquée sans faire attention sur le modèle d'en face. Du coup, de la crème avait légèrement coulée sur ses lèvres.
    Héphaïstos lui tendit une serviette avant d'appeler la serveuse pour régler les détails financiers de la transaction. Un bon restaurant, pas cher : cette île regorgeait vraiment de surprises.
    Il se leva ensuite, prêt à recevoir les indications de sa nouvelle minuscule presque-amie, en espérant qu'elle sache se repérer et s'orienter à partir de là. Le quartier romain n'était plus très loin.


Pour moi c'est désormais clos, merci miss !
:king: 
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MessageSujet: Re: [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire    [LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire  - Page 2 Icon_minitime

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[LIBRE] Rêveries d'une promeneuse solitaire

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