Noah avait attrapé un oiseau.
Il était bien incapable de dire que quelque façon il avait réussi cet exploit mais il était assez fier de lui. Comme quoi, camper dans les arbres avait son avantage : il aurait de quoi manger ce soir. Dés que l'animal avait cessé de s'agiter, il l'avait lancé sur son épaule et glissé une plume dans ses cheveux. Quitte à avoir l'air d'un sauvage, autant l'être jusqu'au bout, n'est-ce pas ? Aujourd'hui, Noah était de bonne humeur et il avait du pain sur la planche. Il devait suivre un ruisseau depuis l'océan jusqu'à sa source tout en dessinant son tracé sur la carte qu'il avait en cours. Et tout ça était loin d'être une mince affaire. Il avait donc marché le long d'une plage jusqu'à l'endroit où le ruisseau se jetait à la mer. Et c'est en trébuchant qu'il avait débuté sa petite aventure. Oh, elle lui prendrait sans doute quelques jours, certains endroits seraient peut-être inaccessibles et ils devraient faire des détours mais le jeu en valait la chandelle.
Les mains ensanglantées à force de repousser des branches et d'escalader des rochers, Noah se traîna à travers un champ, balançant toujours négligemment l'oiseau sur son épaule. Il avait faim mais le volatile ne serait pas pour tout de suite. Plutôt pour ce soir, lorsqu'il aurait véritablement l'impression de défaillir. Le ruisseau ne passait pas dans le champ, bien sûr, puisqu'il faisait une courbe autour. Dés qu'il aurait retrouvé le cours d'eau, il lui faudrait noter ce léger détail : ses cartes devaient refléter la perfection absolue. Être les plus justes et les plus précises possible. Ainsi, dés qu'il eut passé le champ, Noah se laissa tomber dans l'herbe qui bordait le ruisseau et sortit la carte et son crayon à papier. Le bout de papier ne payait pas de mine quand on le voyait : un truc qui avait connu la pluie, le sel de la mer, les pliures... Mais c'était un trésor. Du moins pour Noah. De son trait léger, le garçon esquissa la forme du ruisseau, ajoutant quelques commentaires de ci de là. Un danger ici, une sorte de pont de fortune là, des marécages ici... Tous les détails comptaient pour un aventurier. Sa bonne humeur s'envola lorsqu'un bruit lui parvint, juste derrière lui. Il avait cru au début à un animal curieux. Vu son silence et son immobilité, Noah n'aurait pas été trop surpris. Mais les pas étaient trop... Bah, trop humains, pour ça. Pourtant, le garçon ne bougea pas, laissant l'opportun s'approcher de lui. Il attrapa juste la cordelette qui retenait les pattes de son dîner du soir. Et il patienta, faisant toujours mine de dessiner. Quand elle parla, Noah se retourna brutalement, envoyant la valser la carte et le crayon. Avec une agilité surprenante - disons qu'il s'étonna lui-même - il lança son poignet en avant. Le volatile décrivit un magnifique arc-de-cercle et s'écrasa sur la demoiselle. Noah tira sur le fil, rembobinant son arme de fortune, ramassa ses affaires.
« Sérieusement, on approche pas les gens par derrière. » Avec une seconde de pause, il ajouta d'un ton placide : « Pauvre cruche. » Noah balança son repas sur son épaule avec une évidente passivité qui contrastait avec sa réaction agressive et s'empressa de cacher sa carte dans sa poche. « C'est pas une carte, trouve-toi des lunettes. » Sans trop savoir pourquoi, il se sentait en colère. « Mais tu pourras pas car on est coincé ici. » Le demi-dieu qui s'ignorait chantonna ces derniers mots et partit d'un petit rire clair. « C'est pas de chance pour toi, chose, on est bloqué sur cette putain d'île et personne ne viendra nous chercher. Personne ! » Un ton narquois qui n'avait pas lieu d'être. « Au fait, moi c'est Noah. Et toi, t'es quoi ? Un monstre ? T'étais un cyclope avant peut-être ? Ça expliquerait ton manque de discernement. Oh, me dis pas que t'es une déesse, elles sont si... Bref, moi j'sais pas, j'suis là en touriste. »