Je suis née il y a maintenant un peu plus de vingt-cinq ans. Deuxième enfant de la famille, je fus dorlotée et aimée tant par mes parents que par mon frère ainée, Julian. Ma vie était bercée par l’amour et la protection de ma famille. Une vie en apparence tout à fait simple pour une humaine comme moi et qui aurait dû le rester ainsi. Mais le destin nous réserve toujours des obstacles qu’il faut tôt o tard affronter, devoir réfléchir et penser autrement pour pouvoir avancer et évoluer. Ça, je ne le saurai que quelques années plus tard.

Mon enfance s’est déroulée sans accros. J’étais une petite fille dotée d’un caractère malicieux et buté mais j’obéissais néanmoins à mes parents sous le regard amusé de mon grand frère. Bonne élève malgré le nombre incalculable de punitions et autres convocations de mon père et ma mère auprès de mes professeurs à cause de ma personnalité un peu trop « grande gueule », je savais ce que je voulais faire plus tard. Si Julian aimait l’histoire et ses vestiges, se dirigeant vers des études d’archéologies, moi, je prenais la même direction que lui. Nous étions tous les deux passionnées par les légendes des Dieux, des Héros et du passé bien que les Nôtres (les Humains) avaient fait en sorte depuis longtemps de ne plus aduler ces divinités. C’était en quelque sorte une curiosité de découvrir qui ils étaient. J’ai toujours cru en leur existence et ce n’était pas aujourd’hui que cela allait changer même si les mœurs avaient changés depuis longtemps et que les Dieux avaient été bannis de nos vies sur une ile dès plus mystérieuse que l’on nommait : Néméïl.

Mais pour devenir une archéologue réputée, il fallait de bonnes études, devenir autre chose qu’une énième nana dans le milieu un peu trop fermé, à mon gout, et qui paraissait être assez sélectif. Mon grand frère, Julian avait toujours été un excellent étudiant, au point qu’après la fin de ses études à l’Université, il reçut une proposition en or : celle d’intégrer une grande équipe de chercheurs archéologues pour poursuivre les fouilles en Égypte. Il ne pouvait rêver de mieux à 26 ans. La séparation fut douloureuse autant pour mes parents que pour moi. Il était une partie de moi. Nous avions toujours été si fusionnels, et dorénavant j’allais devoir apprendre à vivre sans Julian.

De mon côté, je poursuivais mes études, prenant la même voie que mon ainé. Heureusement que nous avions à notre disposition des moyens de communications importants comme le téléphone, les messageries instantanées et la webcam pour ne pas perdre contact. Mon frère ne cessait de m’encourager tout comme il nous faisait quelques surprises de débarquer plusieurs jours à la maison pour des petits moments entre frère et sœur. C'est tout naturellement que je le rejoignis, tout fraichement auréolée de mes diplômes en poches. Il avait demandé au responsable de l’équipe s’il était possible de m’engager dans son équipe et au vue de mes excellents résultats, je pus ainsi bosser avec Julian, heureuse de pouvoir partager enfin notre passion commune.

Une année passa très rapidement. Julian avait quelque peu changé. Je me doutais de quelque chose jusqu’au soir où sans le vouloir, je fus témoin d’une conversation entre lui et un autre homme non loin du site de nos recherches. Je découvrais ainsi que mon frère détournait des objets de valeurs récupérés dans les pyramides pour les revendre sur le marché noir, au plus offrant. Mon monde vacillait mais je ne pouvais laisser faire cela. Je devais raisonner mon frère. J’attendis plusieurs jours avant de le suivre à l’intérieur d’une pyramide et au moment où j’en franchissais l’entrée tout s’écroula sur moi … Un cri de terreur me déchira le cœur : celui de mon frère avant que je perde connaissance. Une page se tournait pour moi. Une autre allait commencer.

Je me réveillais deux jours après à l’hôpital. Mes parents avaient fait le voyage. J’apprenais coup sur coup que mon frère avait péri sous l’éboulement et que j’avais perdu l’usage de mes jambes. Le corps de Julian fut rapatrié, moi avec sous le regard protecteur de mon père et ma mère. En quelques heures j’avais tout perdu et je m’enfermais lentement dans une dépression dans laquelle je ne voulais plus en sortir. Ce n’est qu’au bout de six mois que j’entendis parler de l’île de Néméïl, une île où les divinités avaient été rassemblées pour ne plus faire de mal aux humains. Malgré cela, un groupe allait faire le voyage jusqu’à cette île mystérieuse et je ne pouvais manquer cela. J’avais toujours cru aux Dieux, et c’était l’unique solution pour savoir si mon frère avait été amené du « bon côté », espérant de tout mon cœur que son âme ne soit pas bannie en enfers. Mes parents tentèrent de m’en empêcher mais j’avais fait mon choix.

Je débarquais un mois après sur cette île très particulière, peuplée de Dieux, Déesses, Héros, demi-dieux. Des légendes bien vivantes. Mais seule et assez méfiante, je m’efforçais avant tout à apprendre à revivre. Je me déplaçais le plus souvent en fauteuil roulant, parfois avec une canne mais cela était encore très fatigant pour moi. Mais j’avais la force de croire qu’un jour je pourrai remarcher. Je trouvais un petit emploi dans la seule boulangerie du Camp. Ho non ! ne croyez pas que je sois devenue boulangère voir même pâtissière en quelques semaines. Absolument pas. Il fallait bien que je gagne ma vie et le boulanger m'avait prise de sympathie car j'étais la seule sur l'île à être handicapée. Alors, il m'offrit une petite place dans sa boutique. Pas évident de me déplacer en fauteuil derrière le comptoir, alors, nous avions décidé d'un commun accord que grâce à mes petits dons de dessinatrice, puisque j'esquissais depuis toujours toutes mes trouvailles lors des fouilles, je pourrai lui apporter des formes originales pour ses pâtisseries, et parfois tenir la caisse quand il allait se reposer . Et puis un jour, je fis une rencontre étrange. Un homme, un inconnu s’était approché de moi alors que je me baladais dans la forêt, difficilement avec mon fauteuil roulant sur le chemin. Il se présenta comme un demi-dieu sans me donner son nom. Curieuse de sa présence et de cette aura qu’il dégageait sans savoir bien pourquoi, j’appris à le connaitre, à discuter de tout et de rien avec lui. Il semblait être à mon écoute, même trop, par moment. On se retrouvait très souvent dans cette même forêt, passant des heures à nous promener. Il disparaissait après sans me donner d’autres explications. J’aimerai au moins qu’un jour il me donne son nom. Je ne sais même pas comment le nommer, l’appeler. Ah si ! Je lui ai donné un surnom : « l’inconnu ténébreux. »